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plus généreuse. Mais, au reste, Clémentine Courcelles se charge elle-même de nous apprendre qu’elle n’a rien de commun avec « l’engeance » dont nous parlent Mme de Bohm et Mme de Duras. « Je vois souvent au Comité, — écrit-elle à Castellane le 1er vendémiaire, — la femme dont nous a parlé ce Billard. Ses moyens sont les mêmes que les nôtres. Tout le monde la connaît, et tout le monde sait aussi que, depuis quelque temps, elle n’en fait pas plus que les autres. Je la vois tous les jours. Elle dit publiquement qu’elle est préposée pour solliciter pour les personnes qui n’ont pas le temps de le faire. C’est un métier pour elle, et il semble qu’elle fait un négoce de la justice. Du reste, je lui parlerai ce soir. »

Certains passages d’autres lettres pourraient faire supposer, en revanche, que les Courcelles agissent au nom et de la part de Mme de Castellane. Nous voyons, par exemple, qu’ils servent volontiers d’intermédiaires entre le prisonnier et sa femme ; qu’ils sont en correspondance avec cette dernière ; et que c’est eux qui se chargent de remettre au portier Haly les paniers de fruits, la volaille, le « melon cantaloup » qu’on leur envoie d’Aubergenville à cette intention. Mais, à y regarder de plus près, cette seconde hypothèse est aussi peu vraisemblable que la première. Parfois, en vérité, les Courcelles louent Mme de Castellane de son obligeance, et de l’amitié qu’elle daigne leur témoigner : mais ces louanges mêmes démontrent qu’ils la tiennent simplement pour une alliée, une collaboratrice, et non pour une cliente dont ils dépendraient.

L’espoir d’un profit, immédiat ou lointain, n’est, certes, pour rien dans le zèle passionné de ces braves jeunes gens. Spontanément, dans un bel élan de sensibilité, ils ont formé le projet de tirer de prison un gentilhomme innocent, et pour y parvenir ils n’épargnent ni leur temps, ni leurs forces, ni leur argent même, au point qu’ils prennent à leur charge les dettes de Castellane. « J’ai promis d’acquitter la dette que vous avez contractée à la Conciergerie, — lui écrit Clémentine — : ainsi, que cela ne vous tourmente plus ! »

Et nous devons ajouter que ce n’est pas non plus la religion qui les fait agir : car, avec des cœurs très chrétiens, pleins de simplicité et de compassion, ils ont les idées et le ton de chaleureux jacobins et qui, depuis longtemps, ne se souviennent plus de leur catéchisme. Clémentine s’informe bien, à deux reprises, de