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de ce garde-chasse de « l’émigré » Montesquiou, qui, quelques mois auparavant, a été exécuté « pour avoir pris part à une conspiration royaliste ! » C’est comme si toutes leurs idées s’étaient brouillées dans leur tête, comme s’ils avaient perdu le sens des réalités, comme si la fièvre qu’ils venaient de traverser leur avait à jamais déformé le cerveau. Et ce cerveau déformé s’accompagnait, en eux, d’un cœur parfaitement sain et droit, un bon cœur où fleurissaient les sentimens les plus délicats.

Castellane ayant témoigné de la répugnance à se prévaloir d’un républicanisme que, sans doute, il n’éprouvait pas, Clémentine s’empressait de lui faire entendre combien elle respectait son scrupule. « Je ne donnerai point le certificat de civisme, lui écrivait-elle, à moins que votre liberté n’en dépende absolument… Il faut savoir sacrifier quelque chose, pour être libre ! » Et, quelques jours plus tard, elle lisait, avec des transports d’enthousiasme, le rapport de Robert Lindet à la Convention. « J’espère que vous serez content du rapport de Lindet, » écrivait-elle à son « petit frère. » Toutes ses lettres portent le reflet de ses opinions républicaines, et si peut-être elle s’appliquait à étaler son civisme dans ses lettres, pour le cas où ces lettres seraient lues en chemin, si peut-être même son civisme lui avait été, au début, inspiré par la prudence et la crainte de se compromettre, on sent qu’au moment où elle écrivait, il lui était devenu naturel. « Quand même vous iriez au tribunal, n’en ayez aucune frayeur : j’en connais les membres, et certainement ils sont aussi justes qu’humains. »


IV

Voilà ce que nous apprennent ces lettres, dont la suscription, à elle seule, a de quoi faire rêver : « Au citoyen Castellane, Chambre des sans-culottes, maison Egalité, rue Jacques, à Paris. » Mais leur attrait principal, à nos yeux, est moins encore dans leur intérêt historique que dans le petit roman sentimental dont elles nous apportent l’écho. Car, bien que les trois Courcelles s’emploient avec une égale ardeur à servir Castellane, c’est en réalité Clémentine Courcelles qui est sa protectrice ; c’est elle qui dirige la campagne, et qui se charge de rendre compte de ses résultats. Son frère et sa sœur n’écrivent que pour la remplacer, quand ses démarches ne lui laissent pas le temps d’écrire elle-même. Du