Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 155.djvu/694

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

signalaient le mal ; le docteur Jorge a été l’objet de menaces violentes ; l’un des membres de la mission française, M. le docteur Salimbeni, a subi une agression, heureusement sans suites sérieuses.

Ce qui s’est passé à Oporto, a dû se produire ailleurs. On a dû voir, bien des fois, les mêmes faits : un diagnostic tardif permettant l’aggravation et l’extension du fléau ; des mesures maladroites, prises dans le dessein de l’isoler, aboutissant au contraire à le propager. Nous avons dit qu’aujourd’hui la situation est changée, grâce surtout aux progrès des idées pastoriennes et au développement des études bactériologiques.


Par opposition à la peste d’Oporto, on peut citer la petite épidémie de Vienne, au mois d’octobre 4898. C’est une épidémie sortie d’un laboratoire et aussitôt éteinte dans l’hôpital voisin, sans avoir gagné la ville. Son histoire est aussi dramatique qu’instructive. Une mission scientifique avait été envoyée à Bombay en 1897, par l’Académie des Sciences de Vienne, afin d’y étudier la peste qui s’y était déclarée l’année précédente. Le docteur Hermann Müller, privat-docent à l’Université, en était le chef. Les savans autrichiens recueillirent le bacille de la peste, le cultivèrent sur l’agar salé, selon les prescriptions de Yersin, et rapportèrent ces cultures au Laboratoire de l’Institut anatomo-pathologique de Vienne, afin d’y répéter et d’y poursuivre les expériences d’immunisation que Yersin lui-même et son confrère japonais, le docteur Kitasato, avaient récemment exécutées en Chine et au Tonkin. Ces expériences se faisaient sur des rats. Elles se continuaient depuis près d’un an, lorsqu’un beau jour, le garçon de laboratoire qui était chargé du soin des animaux en expérience, tomba malade. L’affection dont il était atteint ressemblait à une attaque d’influenza compliquée de pneumonie : elle n’avait pas les caractères habituels de la peste bubonique de Bombay : le docteur Müller s’y trompa d’abord ; c’était pourtant bel et bien une forme de la peste. Trois jours après, le 18 octobre 1898, ce garçon, nommé F. Barisch, succombait. Le docteur Müller avait enfin reconnu, avec une vive émotion, la nature du mal. Il donna les derniers soins à son fidèle serviteur et prit toutes les précautions pour empêcher le mal de se propager au dehors. Il procéda lui-même à la désinfection de la chambre occupée par le pestiféré.

Malgré toutes les opérations tardives d’antisepsie, les deux