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accidens éclatent après quarante-huit heures ; la mort suit quatre ou cinq jours plus tard. La durée moyenne de l’incubation est de deux jours, celle de la maladie de quatre jours et demi.


A côté de ces cas de peste franche, il y a des cas atténués sur lesquels l’attention des médecins a été appelée depuis longtemps.

Ils fournissent comme une image réduite du tableau habituel. Le malade est atteint de fièvre légère avec ou sans frisson initial, en même temps que d’engorgement ganglionnaire : en peu de temps, ces symptômes s’amendent et disparaissent. C’est une indisposition éphémère plutôt qu’une maladie : elle permet au sujet d’aller et de venir, de se promener, de vaquer à ses occupations. Si l’on n’était pas en temps d’épidémie, cette atteinte passerait sans doute inaperçue. Mais, sa confrontation avec les cas graves qui coexistent dans le voisinage permet d’y reconnaître une variété fruste et adoucie de la même affection ; c’est ce que les anciens auteurs ont appelé la peste atténuée ou peste ambulante. Sydenham l’avait souvent constatée à Londres lors de l’épidémie de 1665. En 1720, à Marseille, Chicoyneau en a signalé un grand nombre d’exemples. Il évaluait de 15 000 à 20 000 le nombre des habitans qui auraient été atteints de cette forme bénigne de la maladie. « Ces personnes, sans abattement des forces et sans changer de façon de vivre, allaient et venaient dans les rues et sur les places publiques, pansant elles-mêmes, avec un simple emplâtre, les bubons ou les charbons dont elles étaient affectées, qui s’élevaient, tournaient en suppuration ou, plus rarement, se dissipaient sans suite fâcheuse. »

On observe cet état de choses, cette constitution bubonique simple, surtout au déclin des grandes épidémies. Peut-être aussi se produit-il avant leur début, comme il advint dans un certain nombre de localités, autour de Wetlianka, un peu avant l’épidémie de 1878. Ces mêmes accès de peste bénigne se montrent, quelquefois aussi, au cours des épidémies graves, pendant leur période d’activité, mais aux limites de leur champ d’action. On en a vu un exemple, en Tripolitaine, pendant la peste de 1858.

Cette épidémie de bubons simples marquant la fin, le début, la limite d’action du fléau, semble indiquer que le microbe, atténué dans sa virulence, n’a plus la vigueur nécessaire pour ébranler l’organisme auquel il s’attaque. Elle a la valeur d’un signe