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incontestable. S’il ne guérit pas, il prévient, presque à coup sûr. Les exemples sont nombreux et décisifs.

Sans doute, il ne peut être question de vacciner tout le monde contre la peste, comme on vaccine contre la petite vérole. Il faut attendre l’urgence. L’injection de sérum antipesteux a son indication chez les personnes qui vivent dans un foyer épidémique, dans une maison infestée, dans une famille dont un membre vient d’être frappé. C’est ainsi qu’on procède actuellement pour la diphtérie. Une personne atteinte ne doit être entourée que de personnes vaccinées.

Le seul inconvénient de cette préservation c’est qu’elle n’est que de courte durée. Elle ne dépasse pas une quinzaine de jours. Au bout de ce temps, il faut renouveler l’opération.

La vaccination de Haffkine offre une ressource analogue. Elle n’a pas, comme celle de Yersin, l’ambition de guérir la maladie en cours ; son objet est de mettre l’homme à l’abri de la peste, comme la vaccination jennérienne le met à l’abri de la variole.

On pourrait dire, en deux mots, que le meilleur moyen d’être préservé de la peste, c’est de l’avoir eue. On n’a pas la peste deux fois, pas plus qu’on n’a deux fois la fièvre typhoïde ou la variole, ou, si le fait se produit, la seconde attaque est toujours sans danger. Cette immunité des sujets guéris, connue dès le commencement du siècle, avait été utilisée pour constituer un personnel hospitalier à l’abri de la contamination. Pendant la peste de Morée en 1828, les médecins recherchaient les Turcs prisonniers qui portaient des cicatrices d’anciens bubons ou charbons, signes caractéristiques d’une attaque de peste guérie. « Ces gens, dit Gosse, connus sous le nom de Mortis, étaient employés de préférence comme gardes auprès des pestiférés. Ils ne prenaient aucune précaution en soignant les malades, en enterrant les morts ou en maniant leurs hardes, ou même ils couchaient et mangeaient dans leur voisinage. La plupart échappèrent intacts et ceux qui furent atteints le furent légèrement. »

La connaissance de cette immunité créée par une première attaque poussa quelques expérimentateurs à essayer l’inoculation préventive qui avait quelquefois réussi avant le temps de Jenner, dans le cas de la variole. La célèbre tentative de Desgenettes pouvait faire croire que l’opération serait sans péril. Il n’en fut rien. Whyte, en 1802, paya de sa vie son illusion à cet égard.