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questions, la seconde surtout était importante. La loi de 1897 a établi la publicité de l’instruction. Aujourd’hui, dès le début de la procédure, tout accusé est assisté d’un avocat. C’est le Sénat, sur l’initiative de M. Constans, qui a fait cette réforme que la Chambre a consacrée, et il en est fier : toutefois, on ne saurait dire qu’il l’ait très bien faite du premier coup, ni même du second, car il a dû s’y reprendre à deux fois, ce qui ne l’a pas empêché d’y avoir laissé encore une lacune. Le législateur actuel ne légifère que par à peu près, obéissant à l’impression du moment, impression souvent très vive, mais courte et partielle, au lieu d’embrasser une question dans son ensemble, de la ramener à un principe et de pourvoir à toutes les applications qu’il comporte. L’histoire même de la loi de 1897 en est une preuve. Elle a décidé que l’instruction serait publique, c’est-à-dire contradictoire, mais elle avait négligé de dire que cette publicité s’étendrait à la juridiction militaire aussi bien qu’à la juridiction civile. On s’en est aperçu à propos de l’affaire Dreyfus, et il a fallu apporter une première retouche, un premier complément à la loi. La question s’est posée à nouveau au sujet de la Haute Cour. A nos yeux, elle était tranchée d’avance : était-il admissible que le Sénat, auteur de la loi, privât de son bénéfice les seuls accusés qui comparaîtraient devant lui ? Une pareille décision, si elle avait été prise, aurait soulevé une clameur universelle. Pourtant la loi n’était pas à cet égard tout à fait explicite, et quelques juristes pointilleux y signalaient la même omission qui s’était d’abord produite au sujet de la justice militaire. Le gouvernement lui-même a paru hésiter, et il a laissé à la Haute Cour le soin de se prononcer. C’est sans doute pour ce motif que l’instruction dont M. le Procureur général a apporté au Luxembourg les premiers résultats a été faite en dehors des accusés. Chose étrange et pourtant réelle : aucun d’eux n’a été interrogé, et cela suffit à montrer avec quelle réserve il convient d’accueillir le réquisitoire qui a été lu devant la Haute Cour. Celle-ci a tranché tout de suite la question qui avait tenu le gouvernement en suspens, et a décidé que la loi de 1897 s’appliquait à la procédure ouverte devant elle. Cela fait, elle s’est séparée, laissant à sa Commission le soin d’accomplir sa tâche, qui peut-être sera longue, puisqu’elle a été à peine dégrossie par la première et très sommaire instruction.

On a été frappé de la différence faite entre les accusés de la Haute Cour, et les anarchistes qui, le mois dernier, ont organisé en plein Paris une émeute incontestablement plus sérieuse que toutes celles dont les royalistes se sont vantés dans leurs correspondances. Des