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confession particulière. On enjoindrait seulement aux enfans d’assister au culte de l’Église, dont leurs parens étaient membres.

Telle fut l’origine des deux associations qui, pendant soixante années, ont présidé presque seules au développement de l’enseignement primaire en Angleterre. Ces deux sociétés avaient en commun la foi en la Bible, l’amour du peuple, et la méthode d’enseignement mutuel, mais elles différaient par leurs idées sur la question qui divise encore les esprits, l’instruction religieuse.

La première se proposait d’endoctriner les élèves en leur faisant apprendre à l’école le catéchisme de Westminster et en leur inculquant la doctrine anglicane. La seconde, au contraire, admettait dans son sein des enfans de toutes les confessions, même des catholiques, et ne leur faisait connaître de la religion que des passages de la sainte Écriture, laissant, comme Lancaster, aux parens ou aux ecclésiastiques le soin de les endoctriner.

La première était sous le contrôle immédiat du haut clergé anglican ; la seconde était beaucoup plus libre, étant sous le patronage du roi Georges III et du duc de Kent.

Mais ni l’émulation de zèle entre Bell et Lancaster, ni les efforts rivaux de la Société nationale anglicane et de la Société britannique et étrangère n’avaient réussi à secouer l’indifférence, que dis-je ? les préjugés des hommes politiques et des classes dirigeantes à l’égard de l’instruction du peuple. Il ne fallut rien moins que l’intervention d’un grand orateur pour faire mettre la question des écoles à l’ordre du jour du Parlement anglais.

Henry Brougham (1778-1868), issu d’une famille écossaise d’Édimbourg, était déjà illustre par son génie précoce et par la variété de ses connaissances, quand il fut élu à la Chambre des communes en 1810. Son caractère indépendant, soutenu par une rare éloquence, lui assigna bientôt une place au premier rang des whigs. Entre tant de questions qui sollicitèrent son attention, celle de l’école populaire lui parut des plus urgentes, car il pensait, avec raison, que l’ignorance du peuple est la source d’une foule de vices et le plus grand appui de la tyrannie des rois. Aussi dès 1816, malgré l’opposition des whigs exaspérés, fit-il nommer par les Communes un comité pour s’enquérir de l’instruction des classes ouvrières. Ce comité, présidé par lui, n’eut pas le loisir d’étendre son enquête au-delà des limites de la capitale, mais il améliora un état de choses lamentable. Deux ans après, il obtint du Parlement la nomination (1818) d’une commission royale pour