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Je dirai ailleurs, en quelque autre occasion, ce que j’ai pu apprendre depuis sur le compte de Machrab.

6 novembre 1890. — Nous quittons de grand matin nos hôtes pour recommencer un itinéraire à peu près semblable à celui du jour précédent. Nous descendons pendant quelque temps la petite rivière sur le bord de laquelle nous avons campé, puis nous obliquons vers l’Est ; nous nous remettons à suivre, comme la veille, un parcours en dents de scie, motivé par la nécessité de couper en travers les vallées principales et d’utiliser les ravins ou les vallées secondaires. Cette façon de voyager devient monotone, d’autant plus que le pays est absolument dépourvu de végétation et qu’il fait — 15 à — 20 degrés. Il y a quelques animaux. Tout près de notre point de départ, nous rencontrons une nombreuse compagnie d’oiseaux assez semblables à des cailles qui auraient la taille de grosses perdrix. Leur plumage est varié de gris, de blanc et de roux, leurs pattes sont rouges. On peut les approcher facilement : elles ne s’enlèvent pas. Je reconnais la Lerwe des neiges (Lœrwa nivicola), découverte par Hodgson dans l’Himalaya[1], et que les Chinois appellent Sué-Ky (Poule des neiges). Le fait mérite d’être noté au point de vue zoologique, cette espèce n’ayant pas encore été signalée dans la région. Le R. P. David l’a observée au Thibet, près de Mou-Pin, par plus de 4 000 mètres d’altitude. Un peu plus loin, dans un endroit où la vallée est encombrée de blocs de rochers, nous voyons d’autres oiseaux très curieux, et tout à fait particuliers au pays : ce sont des Podoces. Ces oiseaux, de la taille des geais, paraissent atteints de la frénésie du mouvement : ils ne volent pas, mais ils courent sans cesse en zigzag avec une telle rapidité que l’œil peut à peine les suivre. Ils se cachent au milieu des rochers, dans les fentes desquels ils circulent comme des rats. Dans les mêmes rochers, j’observe une nombreuse colonie de rongeurs très voisins du Goundi des montagnes d’Afrique.

Vers midi, nous arrivons à un campement habité uniquement par des femmes. Les hommes sont allés faire je ne sais quelle expédition de brigandage sur la frontière afghane. Comme nous avons marché assez vite depuis le matin et que nous sommes en avance, j’ordonne de faire halte et j’entame des pourparlers ayant pour but d’acheter du lait, s’il est possible de s’en procurer un peu. On nous apporte du lait d’yak, jaune, épais comme de la crème, et

  1. Cf. Proccesding of the Zoological Society, Hodgson, 1833.