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dicat est sorti. Il n’existait pas avant ; on l’a créé, un peu rapidement, à cette occasion. Nous disons un peu rapidement, parce qu’on n’a même pas pris le temps de lire avec soin la loi de 1884, qui admet seulement dans les syndicats des membres actifs de la profession, c’est-à-dire des ouvriers en exercice : le secrétaire général choisi au Creusot était un ancien ouvrier, nommé Adam. À peine formé, le syndicat a voulu justifier sa création en faisant quelque chose, et il semble bien qu’il ait plus songé à son intérêt propre qu’à celui des travailleurs : c’est d’ailleurs ce qui arrive presque immanquablement lorsque quelques-uns des membres d’une de ces associations ne sont plus des ouvriers, et voilà pourquoi la loi de 1884 a décidé sagement que les ouvriers seuls pourraient en faire partie. Au mois de juin dernier, on avait déjà demandé au directeur du Creusot, M. Schneider, de reconnaître le syndicat, et il avait répondu très correctement qu’il n’avait pas à le faire ; que, la loi donnant aux ouvriers le droit de former des syndicats, ce n’était pas lui qui leur en contesterait l’exercice ; mais que le syndicat n’intéressait que les ouvriers, que le patron pouvait l’ignorer, et que, pour son compte, il était décidé à traiter tous ses ouvriers sur le même pied, qu’ils fussent syndiqués ou non. Le syndicat du Creusot a trouvé que ce n’était pas faire assez de cas de lui, et il a cherché une occasion d’intervenir auprès de M. Schneider en tant que syndicat, comme l’intermédiaire obligatoire entre lui et les ouvriers. S’il est de bonne foi, il avouera que là était pour lui toute la question. En effet, la grève une fois déclarée, il a demandé à être reçu par M. Schneider dans la personne de M. Adam. — Qu’est-ce que c’est que M. Adam ? a demandé M. Schneider, est-ce un ouvrier ? — Non, c’est le secrétaire du syndicat. — Alors, je me refuse à le recevoir, non parce qu’il est le secrétaire du syndicat, circonstance dont je n’ai pas à m’occuper, mais parce qu’il n’est pas un ouvrier de l’usine, et que je ne connais que les ouvriers de l’usine. — Tel est, à peu près exactement, le premier échange de vues qui a eu lieu entre M. Schneider et les grévistes, et l’avantage est resté au premier. Les grévistes ont dû choisir d’autres délégués, avec lesquels M. Schneider s’est aussitôt, et très volontiers, mis en rapport ; mais il y avait déjà là un échec pour le syndicat. Par sa faute, à coup sûr, car pourquoi était-il organisé contrairement aux prescriptions de la loi ? Si M. Adam avait été un ouvrier, M. Schneider n’aurait eu aucune raison de l’évincer. Le syndicat n’a pas tardé à s’apercevoir qu’il avait fait fausse route ; qu’il s’était mal engagé dans cette affaire, et que tout était à recommencer. Il s’est effacé pour laisser la place, d’abord