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Les deux populations séparées par la Gironde diffèrent elles-mêmes entre elles, non moins que les deux pays, par leurs origines, leur langue et leurs mœurs : au Nord, c’est la race celtique ou gauloise ; au Sud, la race ibérienne plus ou moins mélangée d’élémens basques : la première parlant et comprenant le français, la seconde se servant encore de patois mal définis, qui rappellent tous les idiomes du Midi, depuis le catalan jusqu’au provençal.

La largeur de la Gironde, à son entrée dans la mer, entre la pointe de Grave, qui marque la saillie de la rive gauche, et la conche de Royan, qui lui fait face sur la rive droite, est de plus de 5 kilomètres, dont près de 4 ont un mouillage supérieur à 25 mètres aux plus basses marées. Cette largeur augmente peu à peu ; elle atteint et dépasse rapidement 10 kilomètres, puis diminue progressivement à mesure qu’on remonte le fleuve. Au Bec-d’Ambès la Gironde a encore plus de 3 kilomètres d’une rive à l’autre ; elle se sépare alors en deux rivières bien distinctes : à gauche la Dordogne, qui va baigner les médiocres quais de Libourne, à droite la Garonne, dont la dernière et élégante courbure forme l’admirable port de Bordeaux.

La Garonne et la Gironde ne sont à tout prendre qu’un même fleuve et portent d’ailleurs à peu près le même nom. D’après tous les géographes classiques, la Garonne était autrefois la frontière septentrionale des Ibères et séparait l’Aquitaine de la Celtique, qui devint plus tard la Lyonnaise. Strabon lui donne environ 2 700 stades de développement jusqu’à la mer, dont 2 000 navigables. Cela ferait à peu près 500 et 370 kilomètres. Ces chiffres diffèrent peu de ceux de nos jours ; et il est curieux de remarquer que, malgré tous nos travaux modernes, la longueur navigable du fleuve n’a pas sensiblement augmenté depuis les temps anciens[1]. On est depuis longtemps d’accord pour désigner d’une manière exclusive sous le nom de « Gironde » les deux rivières réunies de la Dordogne et de la Garonne. La Gironde va donc du Bec-d’Ambès à la pointe de Grave ; elle a 74 kilomètres de longueur, et Bordeaux se trouve sur la Garonne même, à 24 kilomètres en amont du confluent. Au moyen âge[2] et même au IVe siècle, du temps d’Ausone[3] le fleuve portait le nom de « Gironde » non seulement

  1. Voir le rapport de M. Krantz. Journal Officiel, 10 février 1874. Cf. Guide officiel de la Navigation, publié par le Ministère des Travaux publics.
  2. Voyez les Annales de Philippe le Bel citées par Valois (Notic. Gall.).
  3. Auson. Epistol. IX. LXXXVI.