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réseau télégraphique sous-marin, pour renseigner ses escadres sur les mouvemens et la force de ses adversaires, serait maîtresse de la mer.

Ce qui se passe en ce moment pour les correspondances avec l’Afrique marque la dangereuse dépendance dans laquelle sont placés tous les pays, par le fait seul de l’état de guerre entre l’Angleterre et le Transvaal. Les événemens qui se sont déroulés l’année dernière, au cours de la guerre hispano-américaine, où deux puissances maritimes se sont trouvées aux prises, fournissent, d’une manière encore plus concluante, la démonstration de l’influence que doivent prendre les communications télégraphiques dans un conflit colonial. On constate, en effet, qu’une guerre télégraphique s’est engagée entre l’Espagne et les Etats-Unis, dès le début des hostilités, et s’est poursuivie parallèlement aux opérations militaires ; on trouve, pour la première fois, un ensemble de faits précisant et faisant en quelque sorte apparaître matériellement le rôle considérable que les lignes télégraphiques sous-marines pourraient avoir à jouer dans une grande guerre.

Avec une imprévoyance, dont toute la sympathie que méritent ses malheurs ne doit pas empêcher de voir aujourd’hui les conséquences, et qui devrait être une leçon pour les autres pays, l’Espagne est restée, jusqu’au moment de la déclaration de guerre, sans posséder de lignes télégraphiques indépendantes et sûres entre Madrid et la Havane. Elle soutenait depuis plusieurs années, contre l’insurrection cubaine, une lutte ouvertement favorisée par les Américains, et elle n’avait d’autres moyens de correspondre avec Cuba que les lignes télégraphiques américaines. Ses dépêches officielles, ses instructions secrètes parvenaient à la Havane par les fils qui reliaient New-York à la Floride en traversant les Etats-Unis, et par les câbles américains de la Floride. Cette imprudence nous frappe aujourd’hui, après les événemens qui l’ont révélée, et paraît incompréhensible ; pourtant, il faut être indulgent pour l’apprécier, car d’autres pays, parmi lesquels se trouve la France, sont, à l’heure présente, tout aussi imprévoyans, et seraient, pour leurs possessions coloniales, dans la même situation que l’Espagne, si la guerre venait à leur être déclarée.

C’est seulement au moment où les hostilités ont été ouvertes avec les Etats-Unis, c’est-à-dire à la veille de l’interruption des communications par le nord de Cuba, que l’Espagne entreprit