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visite, suivant de près la première, ne tarda pas à lui faire savoir combien on était touché des bonnes dispositions qu’il témoignait. Mais, cette fois (il faut bien le dire pour contenter ceux qui ont encore le goût si répandu autrefois de chercher dans l’histoire les petites causes amenant ou retardant les grands effets), l’accueil fut assez embarrassé et le jugement si résolu la veille paraissait ébranlé. Ses collègues, dit le général, étaient venus lui demander à conférer sur l’embarras de leur situation, et il ne voyait pas trop comment lever le scrupule de ceux qui se reprochaient la prolongation de leur séjour dans la capitale. Quelques mots, qui leur échappèrent, laissèrent voir d’où venait ce refroidissement inattendu. Avant que la royauté fût faite, on colportait déjà, en son nom, des listes ministérielles, et on attribuait généralement le portefeuille des Affaires étrangères à un membre éminent du parti libéral, le général Sebastiani, qui avait rempli sous l’Empire d’importantes fonctions diplomatiques. Mais personne n’avait songé que lui aussi était Corse et avait suivi la fortune de Bonaparte. C’était donc un nom qui rappelait et ravivait de fâcheux souvenirs. Heureusement il suffit que, dans la conversation, qui se prolongea, l’occasion s’offrît d’affirmer, bien entendu sans avoir l’air d’insister, que non seulement le choix n’était pas fait, mais qu’il n’aurait pas lieu. Le front du vieux général se dérida alors, et, changeant subitement de ton : « Parlons franc, dit-il, ils veulent régner, n’est-ce pas ? Ils disent que non, ils ont tort, car, s’ils ne le veulent pas aujourd’hui, ils le voudront demain ; il faut qu’ils le disent et qu’ils proclament leur volonté. »

Puis il se leva pour aller tenir avec ses collègues la conférence dont il avait parlé et dont, comme on peut bien s’y attendre, ne sortit aucune décision. Le ministre de Prusse. M. de Werther, avait bien reçu dès le premier jour l’ordre de quitter Paris si l’insurrection triomphait, mais le général n’eut pas de peine à lui persuader que cette instruction précipitée avait besoin d’une confirmation, et il se résigna sans peine à l’attendre, de sorte qu’en définitive, l’ambassadeur de Sardaigne fut laissé seul à vouloir s’associer à l’infortune de la branche aînée des Bourbons.

Le 2 août, eut lieu une démarche plus décisive. Le futur roi, informé des intentions bienveillantes de l’ambassadeur et désireux de recevoir ses conseils, demanda à l’entretenir, non pas lui-même, mais par l’intermédiaire de sa sœur, la princesse Adélaïde, dépositaire de toute sa confiance et fidèle interprète de