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par de trop mauvais jours, trop souffert dans ses affections de famille, pour prendre avec la destinée un ton aussi impérieux. Son abattement était visible et faisait taire chez lui tout sentiment d’irritation. Tout en déplorant l’événement dont le général lui apportait la notification officielle, il se garda de toute condamnation contre ceux qui y avaient participé, et plus encore de toute apologie de l’acte imprudent qui l’avait amené. « Puisqu’on avait promis, dit-il, il fallait tenir ; il fallait aussi, une fois la chose faite, monter à cheval pour la soutenir. » Mais il concluait en tirant la conséquence que, pour sa part et de son vivant, il ne donnerait jamais à ses peuples des institutions qui pouvaient amener un tel résultat : je tiens chacun à sa place, dit-il, et saurai l’y maintenir. « Voyez par exemple, ajouta-t-il, ouvrant une parenthèse assez inattendue, comme je suis avec le fils de votre ancien maître : c’est un jeune homme, beau garçon, vif, ardent, qui promet beaucoup ; il irait loin si je le laissais aller. »

Bref, le résumé de la conversation fut : « Tout ce que nous avons à désirer, c’est que votre gouvernement prenne de la force : en aura-t-il assez pour gouverner ? Il faut un bras vigoureux pour vous contenir ; vous avez servi un autre maître, qui était bien fort, il comprimait les partis, il n’a pas pu les vaincre, et a succombé. Il est vrai qu’il a fait des folies ; je l’ai averti, il n’a pas voulu me croire. » Puis, en donnant congé, l’Empereur finit par une observation, qui montrait combien, dans son entourage, on s’indignait et on s’amusait tour à tour de l’aspect révolutionnaire de la royauté nouvelle : « On dit qu’il n’y a pas assez de représentation à votre Cour, qu’on y voit des gens qui ne devraient pas y être reçus, des costumes qui ne devraient pas y paraître. Vous ne pouvez pourtant pas, en France, vous passer d’apparat et de représentation. »

Somme toute, l’impression était favorable, trop peut-être au gré de Metternich, qui tint à l’atténuer en donnant au général, avant son départ, une dernière leçon de catéchisme politique à transmettre à ceux qu’il allait retrouver : « Vous allez retourner à Paris, lui ai-je dit, raconte-t-il lui-même dans ses Mémoires ; j’espère que vous m’avez compris ; j’ai eu l’honneur de m’entretenir deux fois avec vous sur les graves circonstances du moment. Désirant toutefois que vous ne vous livriez à rien qui ressemblerait à l’erreur sur la pensée réelle du cabinet autrichien, je regarde comme un devoir de résumer en peu de mois la vérité sur notre