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engagées à la fois d’intérêt et d’honneur à ne pas laisser périr l’œuvre dont l’une avait conçu la première pensée, et dont l’autre avait assuré et complété l’exécution pour garantir sa sécurité personnelle.

Pour la Prusse, en effet, le fait d’une insurrection victorieuse à Bruxelles était un péril grave, qui menaçait son autorité à un point particulièrement sensible, dans la région où il était le plus facile de l’ébranler, parce qu’elle y était récente et précaire. Le royaume-uni des Pays-Bas, défendu par une ligne de forteresses bien armées, couvrait toute une frontière de ces provinces de la rive gauche du Rhin que les actes de 1815 avaient assignées à la Prusse. La Belgique insurgée, au contraire, laissait cette région désarmée et pouvait devenir naturellement un centre de propagande révolutionnaire, d’autant plus à craindre qu’entre les populations belges et rhénanes, il y avait non seulement des relations de voisinage, mais une affinité de sentimens et une communauté de souvenirs. Leur sort avait été pareil pendant toute la durée de la république et de l’empire, et de ces années passées dans les mêmes traditions administratives et sous les mêmes lois civiles résultait une analogie de mœurs et d’idées qui ne pouvait disparaître en un jour.

Sans doute, les nouvelles provinces prussiennes ne souffraient pas, de la destination qu’on leur avait donnée un peu au hasard, autant que la Belgique de sa cohabitation forcée avec la Hollande, mais le lien qui les rattachait au gouvernement si éloigné de Berlin, était pourtant artificiel et toujours prêt à se rompre. Une commotion populaire pouvait donc, à tout moment, partir de Bruxelles pour se communiquer par Namur et Liège à Aix-la-Chapelle, à Cologne et à Coblentz, où déjà d’assez graves émeutes, provoquées par de légers motifs, avaient dû être réprimées. C’était une traînée de poudre qui aurait rencontré partout des matières inflammables. L’intérêt était pressant et la tentation grande de mettre tout de suite le pied sur le foyer d’où pouvait partir l’étincelle, d’autant plus qu’à ne regarder que l’exécution matérielle, le coup à faire était facile : la Belgique n’ayant encore aucune organisation d’armée régulière et les plaines de Flandre n’offrant aucune défense naturelle, c’eût été l’affaire d’une promenade militaire de quelques jours. Tout était prêt pour y procéder du soir au lendemain, le corps d’armée prussien qui gardait les bords du Rhin venant d’être notablement renforcé, par une