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l’insurrection belge, malgré la sympathie très générale en France pour la cause des révoltés : il entendait en exigera son tour le respect, maintenant que la chance avait tourné en leur faveur.

C’était une thèse assez nouvelle de droit public, qui fut tout de suite commentée par une note passée au ministre des Pays-Bas lui-même, et par les conversations des ministres français et du roi avec les membres du corps diplomatique : et, comme l’esprit français aime toujours à porter, même dans la politique (qui s’y prête si mal), des formules qui ont une tournure de généralité philosophique, on lui donna un nom qui allait devenir fameux et servir de thème à toutes les polémiques de la presse et de la tribune. On l’appela « le principe de non-intervention. » L’expression était peut-être trop absolue, et, avant de la proclamer, il eût été préférable d’en bien définir la portée. Le gouvernement français ne devait pas tarder à s’en apercevoir, car il allait être bientôt obligé lui-même d’en restreindre l’application, pour ne pas paraître prendre le rôle périlleux d’un redresseur de torts, engagé d’avance à embrasser la cause de tous les peuples en révolte.

Mais, dans quelque mesure qu’on l’eût limité, c’était le principe lui-même qui, à peine mis au jour et publiquement invoqué, ne pouvait manquer de susciter de vives protestations, car il allait directement à l’encontre de celui sur lequel les Alliés de 1815 avaient fait reposer tout l’équilibre de leurs combinaisons et, bien que cet équilibre fût déjà très ébranlé, il ne pouvait leur convenir d’en laisser disparaître la dernière trace. Une assurance mutuelle conclue entre tous les gouvernemens contre l’esprit révolutionnaire, et de là, non seulement le droit, mais le devoir réciproque de l’intervention en faveur de celui dont l’autorité serait compromise, c’était le fond même de l’alliance conclue en 1815 et confirmée encore expressément à Aix-la-Chapelle en 1818. La demande de secours du roi des Pays-Bas n’était qu’une application de cet engagement général. En élevant ainsi la résistance qu’on y opposait à la hauteur d’un principe, on élargissait, on n’aplanissait pas le champ de la discussion. Aussi la réclamation fut unanime. Dès le lendemain de l’entretien du baron de Werther avec M. Molé, le chargé d’affaires de France à Berlin, le baron Mortier, trouva le ministre, qui venait d’en recevoir le récit, le comte Bernstorff, dans un véritable état de consternation ; c’est tout au plus s’il ne laissa pas voir le regret que son souverain, en son absence, eût témoigné au nouveau gouvernement français