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belge, ont une portée qui dépasse les limites d’un petit pays. Elles surgissent partout où le fonctionnement normal des pouvoirs publics semble faussé par une organisation défectueuse du droit de suffrage, et il faut bien reconnaître que les doléances sont générales à cet égard, dans l’Europe contemporaine, sans distinction d’écoles politiques[1].


I

On a comparé assez irrévérencieusement le gouvernement parlementaire à une machine qui tourne à vide en faisant beaucoup de bruit. Sans endosser cette boutade, les observateurs les plus bienveillans conviennent qu’il n’a pas réalisé les espérances de l’école libérale. A l’heure même de son apogée, alors qu’il achevait de conquérir tous les États civilisés, à l’exception de la Russie, il s’ouvrait graduellement à des symptômes morbides, dont les principaux sont l’impuissance à légiférer utilement ou même correctement ; l’absence d’esprit de suite dans la politique tant étrangère qu’intérieure ; la confusion des pouvoirs ; l’avènement des médiocrités, l’extension du parasitisme administratif et un alarmant gaspillage des ressources publiques.

Quelques nations ont tenté de réagir, en élargissant de plus en plus leur corps électoral ; elles n’ont réussi qu’à abaisser encore le niveau de leurs législatures et parfois à y introduire un nouvel élément de désordre. D’autres, déjà en possession du suffrage universel, s’en sont prises au mode de groupement de leurs électeurs ; elles ont essayé alternativement du scrutin uninominal et du scrutin de liste, comme ces malades qui se retournent dans leur lit, en vue de trouver quelque soulagement.

  1. En France, la question de la représentation proportionnelle a fait l’objet de nombreux travaux, depuis que M. Aubry-Vitet l’a traitée, un des premiers, ici même, dans les derniers jours de l’Empire. (Voyez la Revue des Deux Mondes du 15 mai 1870.) En 1883, se fonda à Paris la Société pour l’Étude de la Représentation proportionnelle, dont les travaux ont été réunis par M. Maurice Vernes dans un volume publié en 1898. Le sujet a été abordé plusieurs fois à l’Institut, où MM, George Picot et Frédéric Passy ont chaleureusement défendu la réforme ; celle-ci a été également soutenue avec conviction et talent, dans des articles de revues et de journaux, par MM. Paul Laffitte, Yves Guyot, Boutmy, A. Leroy-Beaulieu et Sévérin de la Chapelle. Enfin, tout récemment, elle a inspiré deux ouvrages recommandables, l’un publié à Dijon, en 1898, par M. Besson, la Représentation proportionnelle, l’autre à Paris, en 1899, par M. Saripolos, la Démocratie et l’Élection proportionnelle. Ce dernier traité, très complet, expose la question à la fois sous ses côtés théoriques et pratiques.