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intérieures, qui ne sont pas touchées par la convention[1]. »

Or, la Convention de Londres, dans son article 14, ne réclame pour les habitans d’autres nationalités que : 1° le droit de résidence ; 2° le droit de possession ; 3° le droit de commerce ; et 4° le droit de ne pas être assujettis à des impôts spéciaux. Par conséquent, selon les propres paroles de M. Chamberlain, toute intervention pour l’acquisition au profit des Uitlanders des droits politiques lui était interdite. Je sais bien que, pour se tirer d’affaire, M. Chamberlain s’est appuyé sur une déclaration faite par le président Krüger lors des pourparlers de Langsnek, en 1881 : « qu’il ne ferait pas de différence entre Boer et Anglais. » Mais quelle était la portée de cette déclaration ? Nul ne saurait la définir exactement. Et, en outre, depuis quand une telle déclaration, qui n’a été insérée ni dans les préliminaires ni dans le traité même, a-t-elle acquis force de droit ? Comment une déclaration de M. Krüger pourrait-elle lier le Volksraad, lequel en qualité de souverain, n’a approuvé que les articles de la convention ?

Bien plus encore : comment une déclaration verbale, faite lors des discussions sur les préliminaires de la convention de 1881, peut-elle être citée en droit, après que cette convention elle-même a été abolie et remplacée par celle de 1884 ? Et quant à la bonne foi personnelle de M. Krüger, comment la déclaration de 1881 pourrait-elle le lier, sous l’empire de circonstances tout à fait différentes, en 1898 ? En 1881, il n’était question que de quelques centaines d’Anglais ; en 4898, c’était un déluge ! Il faut donc bien reconnaître que M. Chamberlain, en faisant accuser publiquement M. Krüger par la Reine, dans son discours du trône, de ne pas avoir tenu ses promesses, s’est rendu coupable d’un procédé inqualifiable, et qu’en intervenant au profit de ses cliens, avec ses instances répétées, pour une franchise de cinq ans, et même pour une autre distribution des sièges, il a violé la convention de Londres, sans qu’il soit besoin de donner à cette convention une autre portée que celle qu’il lui a attribuée lui-même. Et pourtant, dès le mois d’août, il poussait la témérité jusqu’à appuyer par la menace ouverte son intervention illicite, puisqu’il proclamait que le gouvernement anglais, « ayant pris en main

  1. Livre Vert, p. 14. « Since the convention of 1884, Her Majesty’s Government recognises the South African Republic as a free and independent Government as regards all its internal affairs, not touched by the convention. »