Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 157.djvu/521

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pendant tout le temps écoulé, jamais, avant 1898, l’Angleterre n’avait soufflé mot de suzeraineté dans ses interminables correspondances. On a fait observer enfin que le droit du Transvaal de déclarer la guerre, même à l’Angleterre, n’avait pas été contesté[1], et que l’Angleterre avait échangé l’exequatur des agens consulaires à Londres et à Pretoria.

Voyant s’écrouler ainsi tout son bel échafaudage, M. Chamberlain n’osa pourtant pas mettre en avant le protectorat. Le fait indiscutable que le Transvaal a exercé, depuis 1894, avec le consentement de l’Angleterre, le protectorat sur le Swaziland, l’en empêcha[2]. Protéger le protecteur, c’eût été trop fort ! Mais de sa « paramountcy, » il ne se désista point pour cela. L’Angleterre était une grande puissance, les États boers étaient de petites républiques enclavées dans son territoire. De plein droit donc, l’Angleterre était autorisée à considérer ces petits États comme appartenant à sa sphère d’influence. Même sur l’Etat libre, elle fit valoir ses prétentions[3]. Et, comme les six grandes puissances tâchent d’exercer une certaine hégémonie sur les États de second et de troisième ordre, l’Angleterre dut prétendre à une hégémonie analogue sur toute l’Afrique australe. Seulement c’était oublier qu’une telle suprématie peut exister de fait, mais n’existe jamais de droit. A l’exception de M. Lorimer[4], tous les juristes sont unanimes à maintenir l’égalité des États entre eux comme principe même du droit international. Ainsi que l’a dit expressément M. Rivier : « L’égalité est la supposition chez tous, toute inégalité entre États doit être prouvée par les traités[5]. » Or, la Convention de 1884 ne lui conférant nui autre droit que le veto restreint de l’article 4, M. Chamberlain se trouve toujours acculé dans le même coin. De même qu’entre individus, la suprématie entre États ne s’accuse jamais que de fait, par la supériorité de puissance morale, intellectuelle ou physique. Mais, dites : est-ce que l’Angleterre a fait preuve en Afrique de supériorité morale, par sa violation répétée des traités ? de supériorité intellectuelle, dans sa lutte diplomatique avec M. Kruger ? ou encore de supériorité physique sur la Tugela et la Modder-rivier ? Il semble qu’on en puisse encore douter, quand un Anglais lui-même constate, nous

  1. Stead. Are we in the right, p. 22.
  2. Convention du 10 déc. 1894. Voir Kock, Conventies en tractaten p. 64.
  3. Acts of Parliament, p. 278.
  4. Institutes of law of nations. I, p. 170 et suiv.
  5. Rivier. ouv. cité, p. 127.