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au second, celle de représentation des intérêts ; au troisième, celle de représentation proportionnelle.

Acceptons cette terminologie, puisqu’elle est consacrée par l’usage, mais sous réserve de ne l’employer que dans un sens bien défini. La représentation proportionnelle sera donc la substitution des opinions politiques aux intérêts locaux comme base du groupement électoral.

Les partisans de cette réforme insistent avec beaucoup de force sur la distinction entre le droit de représentation et le droit de décision. Celui-ci appartient nécessairement à la majorité. Que cette majorité se prononce par voie de plébiscite ou par l’intermédiaire de délégués, la minorité n’a que le droit d’en appeler au corps électoral mieux informé. Le droit d’être représenté appartient à tous les citoyens actifs, sans qu’on ait à distinguer s’ils forment la majorité ou la minorité du corps électoral. Le droit de vote n’est que la réalisation, la forme extérieure de ce droit de représentation. — Cette argumentation est inattaquable, mais elle est incomplète, comme le terme même de représentation proportionnelle. Tout ce qu’elle réclame, en effet, c’est que les différens groupes d’électeurs soient représentés on proportion de leur force respective ; mais elle s’abstient de déterminer sur quelle base ces groupes se formeront. Le principe de la proportionnalité s’accommoderait parfaitement de la division du pays en circonscriptions uninominales qui comprendraient soit la même étendue de territoire, soit le même chiffre d’électeurs : on aurait ainsi une représentation proportionnelle des intérêts locaux. Il reste à démontrer que la proportionnalité ne doit pas être cherchée dans cette voie.

Sous l’ancien régime, les députés représentaient non les individus, mais les organismes dans lesquels se cristallisaient les forces vives de la nation. Les villes, les universités, les corporations, les classes étaient représentées en vertu de leur importance réelle, et celle-ci était arbitrairement établie soit par une concession du souverain, soit par des conventions écrites ou traditionnelles. Au sein de ces collèges, il ne pouvait être question de représentation proportionnelle ; chacun d’eux formait une personne morale, une unité collective, où la minorité se confondait avec la majorité ; l’élu chargé de soutenir les intérêts communs représentait également tous les membres du groupe.

Quand le droit de représentation fut attribué directement aux