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répugnance, elle consentit à prendre part aux délibérations européennes, méditant d’ailleurs, dès lors, un projet inconnu aux Cours étrangères et qu’elle jugeait également propre à sauvegarder ses droits indépendans et à déconcerter les exigences de la diplomatie. Une commission, dite des réformes, présidée par Midhat-Pacha, travaillait secrètement dans cet ordre d’idées, et préparait un coup de théâtre dont nous devons, avant d’aller plus loin, indiquer les préliminaires et mieux préciser l’objet.


II

Depuis quelque temps déjà, encouragé par le triste état de l’empire, un parti formé de plusieurs personnages influens à la Porte et au palais, théoriciens vagues et ambitieux, et d’adhérens plus ou moins convaincus ou intéressés, s’agitait et dogmatisait en faveur d’un système de gouvernement moins autoritaire. On retrouverait peut-être le point de départ de ces tendances dans les divers hatti-chérifs édictés sous la pression des Puissances au cours des précédens règnes et constamment éludés dans la pratique. Quoi qu’il en soit, elles avaient pris peu à peu un certain développement, et elles étaient devenues une sorte de programme, libéral dans ses aspirations, indéterminé dans la forme. Les membres actifs et déclarés de ce parti n’étaient pas nombreux, mais leur propagande flattait les opinions flottantes et indécises que le malaise général rendait accessibles à de meilleures espérances. Un homme énergique et d’un esprit subtil, plusieurs fois ministre, et qui visait au premier rang, mêlé aux conspirations qui avaient renversé les derniers sultans, très audacieux sous les graves apparences d’un érudit et d’un sage, Midhat-Pacha, avait pris la direction des novateurs. Il dominait de haut, par sa valeur personnelle, son crédit, son passé, l’assurance de son langage, les principaux fonctionnaires de la Porte, toujours disposés à suivre, dans les heures confuses et inquiètes, ceux qu’ils croient en mesure de maîtriser la fortune. Il était devenu ainsi populaire, et le jeune Sultan, encore mal affermi, paraissait, — quelles que fussent ses vues ultérieures, — accepter volontiers son ascendant. Les idées de Midhat semblaient être une diversion utile, peut-être même le suprême recours de l’empire. Elles se confondaient d’ailleurs avec un sentiment, de tout temps assez fort en Turquie, mais qui était devenu général dans le monde politique de