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élevèrent ce boulevard continu de somptueux hôtels aux balcons de fer ouvragés, aux puissantes cariatides, qui bordent sur près de 2 kilomètres le magnifique quai de la Fosse, et dont le grand air le cède à peine aux palais riverains de la Garonne à Bordeaux[1].

Nantes entretenait alors des relations actives avec l’Allemagne, l’Angleterre, l’Irlande, la Suède, le Danemark, la Zélande, le Portugal, tout le Levant et surtout Saint-Domingue. Mais tout a une fin, et la riche trafiquante a peu à peu décliné. Plus peut-être que tout autre port de l’Océan, elle a subi la conséquence très fâcheuse pour un port en rivière, dont la profondeur ne dépasse pas 4 mètres en basses eaux, de l’augmentation progressive de la calaison des bateaux au long cours. Les Transatlantiques, qui sont aujourd’hui le lien indispensable entre l’Europe et l’Amérique, ne pourront jamais arriver jusqu’à ses quais. Les paquebots ordinaires eux-mêmes et les navires de fort tonnage éprouvent même par certains temps quelques difficultés pour accoster à Paimbœuf ; et pour remonter en Loire, ils ont été quelquefois obligés de s’alléger d’une partie de leur chargement. C’est Saint-Nazaire qui est devenu la tête de ligne de la navigation de la Loire, et c’est là que s’arrêtent les grands caboteurs, les Transatlantiques, les cargo-boats et les longs-courriers[2].

Nantes doit donc se transformer, et se transforme en effet. Les conditions nouvelles dans lesquelles s’effectue la navigation maritime et l’extension du port de Saint-Nazaire ont sans doute modifié la nature et le mouvement de son port ; mais elle conservera toujours une supériorité marquée pour les grandes opérations commerciales et elle restera la ville des armateurs, des gens d’affaires, des constructeurs et des manufacturiers. Elle devient une grande cité industrielle ; elle est et demeurera un grand marché et un grand atelier de travail. Ses chantiers de construction de navires et ses raffineries sont en pleine activité. Elle fait un très grand commerce de grains et de bois du Nord ; elle possède des savonneries et des tanneries importantes, de belles fabriques de meubles et de cordages, de nombreuses filatures de laine et de coton. Ses habitans ont su conserver à la fois des pratiques séculaires de travail et le génie des entreprises

  1. Bulletin de la Société archéologique de Nantes et de la Loire-Inférieure, 1881.
  2. A. Guépin, Histoire de Nantes, 1837 ; L. Simonin, Les grands ports de commerce de la France, 1878.