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joue un grand rôle dans l’histoire de la bonneterie, nous pouvons fournir plus de détails.

L’élégance générale surpassait infiniment celle qui règne de nos jours. Une femme des temps actuels, même convenablement soignée dans sa mise, trouverait certes bien fastidieux de s’assujettir chaque jour aux détails de toilette spéciaux à ses aïeules, d’attendre presque quotidiennement la visite d’un coiffeur plus ou moins inexact, chargé d’appliquer, selon les règles, poudre, blanc, rouge et mouches. Au moins pour les jeunes femmes, les robes habillées se portaient courtes ; d’où nécessité imposée par la coquetterie de montrer des bas très jolis : de soie blanche, et souvent avec coins brodés d’or ou d’argent.

Même dans la simple bourgeoisie de province, l’emploi du bas de soie, comme le témoignent les inventaires de trousseau, égalait ou surpassait l’usage des bas de coton, qui pourtant n’étaient pas inconnus[1]. Les jeunes personnes qui liront ces pages se demanderont comment la bourse de leurs devancières s’accommodait d’un luxe aussi ruineux, surtout étant donnée la mode de la couleur blanche, la plus salissante de toutes.

Nous répondrons que, sous Louis XV, filles et dames sortaient fort peu à pied. Promenades, excursions, en dehors des allées soigneusement sablées des parcs français, étaient, en pratique, presque inconnues d’elles. Bien différentes de nos contemporaines, toujours en mouvement, les femmes dont les têtes gracieuses se découpent au milieu des cadres à coquille, circulaient toujours en carrosse, ou encore mieux en chaise à porteurs, même pour franchir de courtes distances. Donc leur chaussure ne courait aucun risque. Au besoin les châtelaines peu fortunées, du moins dans certains villages reculés, au fond de provinces perdues, se juchaient en grande tenue sur un cheval, un mulet ou même un pacifique baudet, pour se rendre à l’église voisine ou faire leurs visites.

Avant de clore cette courte parenthèse, remarquons que, plus tard, et malgré les changemens d’habitudes qui s’infiltrèrent à la

  1. Nous avons dans nos papiers de famille le détail complet et minutieux des hardes laissées à sa mort par une dame C. de M…, veuve depuis plusieurs années, retirée du monde et livrée aux pratiques de la dévotion la plus édifiante. Cet inventaire mentionne 19 paires de bas de coton, contre 14 de bas de soie et 7 de bourre de soie, le tout blanc. Ajoutons que cette dame ne laissait que 37 000 livres et n’était plus jeune, double circonstance qui fait ressortir la particularité que nous signalons.