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fil grossier, ou trop abandonné le travail de la soie, voit ses métiers confisqués, et paye 500 livres d’amende. Malgré ces pénalités, la tolérance à laquelle nous venons de faire allusion provoque des abus et amène la création de marchandises de qualité inférieure. Après une minutieuse enquête intervient, en 1700, un nouveau règlement qui remet en vigueur la législation de 1672[1].

Nul ne peut exercer la profession sans avoir été reçu maître après un apprentissage de trois ans au moins. En 1723, le droit de maîtrise est de 150 livres, et le brevet d’apprentissage de 30 livres. De plus, il faut confectionner un « chef-d’œuvre, » consistant en une paire de bas façonnée aux coins. Une fois admis, le maître fabricant de bas doit se fixer dans certaines villes, nommément désignées, parmi lesquelles figurent trois cités languedociennes : Toulouse, Uzès et Nîmes[2], sans même pouvoir s’installer dans la banlieue de ces agglomérations. Certaines particularités de ce minutieux règlement sont intéressantes à rappeler : ainsi l’article VI, veillant à la propreté de la marchandise, défend à tous ouvriers ou ouvrières dévideuses, doubleuses ou autres, d’employer ou faire employer de l’huile dans le travail desdits ouvrages de soie, « sous peine d’être exclus desdits. » Contrairement à ce qui se pratique de nos jours, le bas de soie, lorsqu’il doit être teint en noir, ne doit recevoir sa nuance qu’après complet achèvement au métier, sauf exception pour les ouvrages mêlés, et pour ceux dans lesquels il entrera des fils d’or et d’argent. Chaque douzaine est marquée avec un plomb portant l’empreinte des noms de la ville et du maître, avec une fleur de lis pour distinguer les particuliers ayant obtenu le privilège.

Les temps devenant de plus en plus sombres et le besoin d’argent se faisant sentir, Pontchartrain, pour battre monnaie, crée force charges de contrôleurs, qu’il vend ensuite à beaux deniers comptans. Le prix de contrôle d’une paire de bas de soie est coté 10 sols. Par compensation, l’introduction de ces articles n’est tolérée que par les ports de Nantes, Rouen, la Rochelle, Bordeaux, ou, si la marchandise suit les voies de terre, par le bureau de

  1. Tous les détails historiques qui figurent dans ce chapitre et le début du suivant sont extraits des archives départementales de l’Hérault, qui, pour les documens antérieurs à la Révolution, embrassent tout ce qui intéresse l’ancienne province du Languedoc.
  2. En dehors de Paris et du Languedoc, les autres villes privilégiées étaient Dourdan, Rouen, Caen, Nantes, Oléron, Romans, Lyon, Metz, Bourges, Poitiers, Orléans, Amiens, Reims, et, quelques années plus tard, Aix en Provence.