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la presse officieuse ou semi-officieuse et que la Gazette de Cologne écrivit, par exemple : « Si le gouvernement anglais attache de l’importance à ne pas ruiner complètement les relations qui ont existé jusqu’ici avec l’Allemagne, il fera bien de tenir plus grand compte de l’opinion nationale allemande. » Des bureaux de la presse officieuse, le mécontentement gagnait même peu à peu les bureaux du monde officiel, et peu à peu il devenait inévitable que l’incident fût, dans une forme ou dans l’autre, porté devant le Reichstag.

Le ministre des Affaires étrangères, M. de Bulow, avait accepté là-dessus une question de M. Mœller, mais il avait demandé qu’on en fixât la date au 19 janvier. Avait-il dès lors, — comme on l’a supposé, précisément à cause du diapason où montait tout à coup le ton habituellement assourdi de la discrète Gazette de Cologne, — avait-il de bons motifs d’espérer qu’à cette date, 19 janvier, il aurait obtenu de l’Angleterre récalcitrante une entière satisfaction et n’aurait par suite, agréable formalité, qu’à en informer le Parlement impérial ? c’est possible, c’est probable, et, si c’est vrai, il conviendrait de lui en faire compliment. Ce qui est sûr, c’est que le discours, dont l’affaire du Bundesrath, du Herzog et du General lui a donné le thème primitif, a été tout ensemble des plus adroits et des plus intéressans. M. de Bulow a commencé par un peu de théorie : la théorie n’est jamais de trop dans une Chambre allemande, qui compte infailliblement une quantité respectable de docteurs en philosophie et en droit. En introduire une certaine dose dans un débat parlementaire flatte le secret penchant qui pousse — n’est-ce pas M. Guglielmo Ferrero qui l’a noté ? — tout orateur allemand à construire, de quoi qu’il s’agisse, fût-ce de douanes ou de contributions, un monument dans les fondations duquel il ne se tient pas d’enfermer toute la science et toute l’histoire : ici, du moins, la théorie était parfaitement à sa place. Le ministre a d’abord déploré le vague, le manque de précision du droit des gens quant à la guerre maritime et spécialement sur le point en litige du droit des neutres et de la contrebande de guerre. Ensuite il a rappelé, en six paragraphes, les règles, malheureusement flottantes et incertaines encore, en cette matière épineuse. Les belligérans ont le droit de visite, soit, on ne le leur conteste pas ; mais la liberté du commerce, elle aussi, est un droit qu’ont les neutres, et qui veut être respecté. Les belligérans ont le droit d’arrêter la contrebande de guerre, soit, on ne le leur dispute pas ; mais les neutres ont le droit de vendre et de transporter du blé, des viandes, des conserves, des denrées alimentaires, qui peuvent difficilement passer pour être de la contrebande de guerre. Dans l’espèce,