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transactions et d’éviter, dans ces matières si délicates, l’intervention de l’Etat. Représentées par des hommes de grande valeur, ayant à leur disposition l’expérience et les conseils d’experts et de juristes bien rétribués et possédant l’estime des patrons, elles peuvent obtenir une répartition équitable entre les différens facteurs de la production et assurer à tous les ouvriers représentés un salaire rémunérateur, tout en tenant compte des exigences de la concurrence et des crises que traverse l’industrie. Au moyen de l’ingénieux système des sliding scales, elles ont pu, dans une limite rationnelle, obtenir pour les ouvriers une participation aux bénéfices de la production et empêcher les excès de surproduction. Les exigences qu’on pouvait redouter et qui se sont produites au début n’ont pas ruiné l’industrie anglaise, elles ont porté principalement sur les bénéfices des intermédiaires et des banquiers. Habitués jusque-là à profiter de l’inertie des actionnaires et de la faiblesse des administrateurs pour rançonner l’industrie, les capitalistes sont désormais en présence d’un nouvel associé, qui discute impitoyablement le prix de revient et n’admet ni les majorations de capital, ni les commissions abusives. Nous avons entendu, lors de l’Enquête royale de 1887, un des plus grands industriels de l’Angleterre soutenir qu’à ce point de vue spécial, les trade-unions avaient rendu un service inappréciable à l’industrie anglaise et citer des faits caractéristiques.

En dehors des questions de salaire, les trade-unions règlent également par simple accord les conditions du travail : durée de la journée, temps de repos, travail des apprentis, heures supplémentaires. Au point de vue de l’assistance mutuelle, elles ont réalisé de véritables miracles, en alimentant des caisses de maladies, d’accidens, de vieillesse, de chômages et en facilitant aux ouvriers la recherche du travail et même l’émigration, aux périodes de crise.

Dans aucun pays, l’assistance publique n’a pu approcher des résultats qu’elles ont obtenus, et, quand on considère la difficulté insurmontable que nous rencontrons en France pour constituer ces institutions, nous sommes saisis d’une admiration profonde pour les ouvriers qui ont su résoudre de tels problèmes ; mais il convient d’ajouter qu’ils n’ont pas été seuls, qu’ils ont, chose très intéressante à constater, trouvé, aux différentes étapes de leur existence, l’aide et le concours des hommes les plus distingués de l’Angleterre, qui n’ont pas hésité à les soutenir non