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difficilement que l’eau pure ; ou, pour parler plus exactement, elle ne se prend en glace qu’à une température plus basse. Il y a retard ou abaissement du point de congélation. Lorsque la température se refroidit, l’eau douce des lacs et des étangs se recouvre de glace, bien avant l’eau saumâtre des flaques marines. Les rivières charrient des glaçons avant qu’il ne s’en produise à la surface de la mer. Il y a plus ; ceux qui s’étaient formés dans l’eau des fleuves ne peuvent se maintenir lorsqu’ils arrivent dans l’eau marine, non pas toujours, comme on le dit, parce que celle-ci serait plus chaude ou plus agitée, mais parce qu’elle est plus salée.

De même, la sève des plantes et les liquides organiques, qui sont des solutions aqueuses de substances diverses, se conservent liquides, alors que l’eau extérieure se congèle ; c’est là une des circonstances qui permettent aux plantes de résister aux froids modérés.

Tandis que l’eau, si elle est pure, se prend en glace lorsque la colonne de mercure du thermomètre, dans sa descente, atteint le point zéro, elle reste liquide et mobile non seulement au zéro, mais au-dessous, si elle tient en dissolution quelque corps étranger. Il faut un froid plus intense, une température plus basse, par exemple — 2°, — 3°, pour que ses particules puissent s’agréger et s’immobiliser en une masse cohérente. L’influence du corps dissous consiste donc à retenir le liquide dissolvant, à l’empocher de grouper ses molécules pour passer à l’état solide.


Ces faits, vaguement constatés dès la fin du siècle dernier, ont donné lieu à des études plus précises, de la part des physiciens. Un savant anglais, Blagden, en 1788, en fit l’objet d’un examen attentif. Il reconnut que l’abaissement de la température de congélation au-dessous du 0 des thermomètres, était d’autant plus grand qu’il y avait plus de sel dans l’eau, que la solution était plus concentrée. Il établit à cet égard une règle qui est connue dans la science sous le nom de Loi de Blagden. D’après cette loi, l’abaissement de congélation est proportionnel à la concentration, c’est-à-dire au poids du sel dissous dans un même poids d’eau. Une solution de sel commun au centième, c’est-à-dire contenant 1 gramme de sel pour 99 grammes d’eau, se congèle à une température qui est d’environ un demi-degré au-dessous de zéro ; exactement à — 0°, 585. L’abaissement est 0,585. La solution à 2 p. 100 se congèle à — 1m, 170 ; l’abaissement est double du précédent. Il est triple pour la solution à 3 p. 100 ; qui se congèle à — 1°, 755 ; quadruple pour la solution à 4 p. 100 qui se prend à — 2°, 340. La