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si laide que quelques-uns l’ont dit. Cependant les timbales et les trompettes se sont mêlées aux acclamations de la foule. Le Roi présente l’une après l’autre les princesses du sang, que la Reine embrasse, et il lui parle quelques instans de la joie qu’il a de voir fini ce long voyage. Cette joie n’est nullement feinte, et chacun remarque qu’il n’a jamais montré autant de vivacité qu’en ce moment. Sur ce visage juvénile, aux traits réguliers et rarement émus, c’est un sentiment nouveau qui semble se peindre. Et, tandis que Marie admire la prestance et la grâce de son jeune époux, tout le monde applaudit, en ces minutes d’un spectacle unique, l’heureuse promesse de cette émotion.

Le Roi aide la Reine à remonter dans son carrosse, et s’y place auprès d’elle, avec la jeune duchesse d’Orléans, la duchesse douairière de Bourbon, mère de M. le Duc, la princesse de Conti et Mlle de Charolais. Tous les autres carrosses se remplissent et s’ébranlent ; les mousquetaires et chevau-Iégers ouvrent la marche, les gardes du corps et gendarmes la ferment. Le long du trajet, la compagnie du vol du cabinet donne à Leurs Majestés le plaisir de regarder la chasse au vol, spectacle commode pour fournir un sujet de conversation. Au reste, le Roi est fort aimable et d’une gaieté qu’on ne lui a jamais vue. On arrive sur les sept heures à Moret, dont le château, qui est aux Rohan, abritera pour la nuit la Reine et sa maison. Les princes et tous les hommes de la cour s’y trouvent et y sont présentés par le Roi. Il reste lui-même une heure encore, avant de repartir pour Fontainebleau avec les princes. Aussitôt, Mlle de Clermont présente les dames du palais qui n’ont pas été du voyage ; puis M. le Duc a son audience particulière, et la Reine soupe à son grand couvert, au son des hautbois, avant la courte nuit qui la sépare de son bonheur.

Elle arrive à neuf heures et demie, le matin du mercredi 5 septembre, dans l’appartement royal de Fontainebleau, où l’empressement du Roi lui rend visite avant sa toilette de mariage. A partir de ce moment, la reine Marie sent bien qu’elle ne s’appartient plus ; entourée de figures nouvelles, transportée dans un palais plus somptueux qu’aucun de ceux qu’elle a pu voir, elle est devenue un personnage de représentation et un objet d’hommages. On est trois heures à l’accommoder. A sa toilette assistent, suivant leur rang d’étiquette, les princes, les princesses, les dames titrées. M. le Duc y vient, suivi du garde du trésor royal, qui met