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Asiates : du temps des Hollandais, on les désignait sous le nom de burghers (bourgeois), et ce nom leur est resté, bien qu’ils n’en comprennent plus le sens. On les trouve surtout dans les villes, où ils s’adonnent au commerce et occupent des emplois publics. Ils forment une caste à part, aussi fermée, aussi isolée que toute autre caste indigène, n’ayant aucun rapport ni avec les indigènes, ni avec les Anglais, ni avec la Hollande dont ils ont complètement oublié la langue, quoique leurs noms de famille soient de purs noms néerlandais, très communs en Hollande et en Belgique.

Les Portugais et les Hollandais ont laissé leur empreinte sur les populations qu’ils ont dominées. La Hollande, dans son égoïsme mercantile, n’a légué à Ceylan que son code de lois, et aujourd’hui encore, les cours de justice y appliquent la loi romaine hollandaise. Les Portugais y ont laissé surtout leur empreinte religieuse : tandis qu’il ne subsiste plus de traces des rigides doctrines de l’Eglise réformée hollandaise, la foi catholique, prêchée par les Franciscains, s’est répandue dans les moindres villages. La langue indigène s’est imprégnée aussi beaucoup plus fortement de l’influence portugaise que de l’influence hollandaise. La domination des Hollandais a eu pourtant la même durée que celle des Portugais : l’une et l’autre nation ont occupé Ceylan pendant environ un siècle et demi. Les Anglais occupent l’île depuis plus d’un siècle, et ne semblent pas disposés à donner la place à d’autres. Ils partiraient demain, a dit un résident qui les a observés de près, qu’il en resterait peu de souvenirs et peu de regrets, parce qu’ils ont fait peu d’impression sur le peuple, parce qu’ils n’ont pénétré dans aucune maison, dans aucun esprit, dans aucun cœur, parce qu’on les a connus comme des gens actifs et peu lians, achetant des terres, les faisant cultiver, ne pardonnant jamais un tort, et, un beau jour, bouclant leurs malles et disparaissant.


JULES LECLERCQ.