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du mot, elles ont pour nous exactement tous les genres d’intérêt. Elles piquent notre curiosité parce qu’elles sont étranges, ou au moins éloignées des nôtres ; elles nous excitent à la réflexion sur nous-mêmes, parce qu’elles sont les causes directes, les causes précises des grands succès et des grandes infortunes des peuples et que nous pouvons à cette lumière juger des conséquences et des effets de nos mœurs propres ; enfin elles font partie, à proprement parler, de notre histoire, parce que ce sont leurs effets et conséquences qui ont fait l’histoire même dont nous sommes, pour le moment, le dernier aboutissement ; et parce qu’il y a quelque chose en nous des semences, des germes et des fermens qu’elles ont laissés derrière elles. En un mot, dans l’état actuel de nos esprits et de nos goûts, le roman historique doit être un roman de mœurs rétrospectif. A l’un de ces points de vue ou à tous, il y a donc lieu de féliciter les de Régnier, les Adam, les Lichtenberger, les France, les Margueritte qui interrogent le passé et qui nous le présentent avec la vérité de l’histoire, avec plus de minutieux détails que l’histoire n’en pourrait mettre et avec cet agrément, c’est-à-dire avec cette illusion de la vie qui est le propre du roman bien fait.

Et puis, je l’accorde, ce sera toujours un genre hybride, ce sera toujours un genre un peu faux ; plus faux que celui-ci, moins faux que celui-là ; assez faux au demeurant. Mais quoi ? Le roman vrai, le roman de mœurs contemporaines, le roman réaliste, semble bien décidément être épuisé. Le roman historique, comme ç’a toujours été son office, est destiné à faire l’intérim. S’il est légitime, je le crois bien, puisqu’il est comme une nécessité de circonstance.


EMILE FAGUET.