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ANNIBAL CARRACHE.

Les tableaux présentent des scènes mythologiques traitées avec une liberté vraiment païenne. C’est d’abord un groupe intime composé d’Hercule et d’Omphale. Celle-ci est appuyée sur la massue. Le héros, lui, joue du tambour de basque. Placé en arrière, l’Amour « le regarde et sourit de la métamorphose[1]. » Puis apparaît Anchise qui, après avoir enlevé un cothurne à Vénus, est en train de détacher l’autre, prélude d’un dénouement sur la nature duquel il est difficile de se faire illusion quand on a lu l’inscription placée sur un escabeau voisin, le fameux Genus undè latinum. On aperçoit ensuite Jupiter attirant Junon dans ses bras. Le père des dieux est représenté avec le type traditionnel que les statues antiques ont consacré. Viennent enfin Diane et Endymion. Comme Armide auprès de Renaud, la déesse des bois, jusqu’alors insensible aux traits de l’Amour, s’est enflammée tout à coup pour un bel adolescent : « elle admire ses grâces et demeure penchée sur son front,… d’un souffle amoureux elle rafraîchit l’air qu’il respire[2]. »

Voici les sujets des médaillons : Orphée, qui après avoir obtenu la délivrance de sa chère Eurydice, la condamne pour son imprudence à retourner dans le royaume des Ombres ; Jupiter qui, cette fois, trahit la foi conjugale et prend la forme d’un taureau pour enlever Europe ; le dieu Pan capturé par Cupidon ; Salmace obtenant des dieux de voir son corps uni pour toujours à celui du bel Hermaphrodite qui dédaignait son amour, — le peintre a saisi le moment où les deux corps s’entrelacent pour se fondre l’un dans l’autre ; — Pan qui, poursuivant la nymphe Syrinx, au moment où il croit la saisir, ne serre dans ses bras que des roseaux palustres : cum prensam sibi jam Syringa putaret — corpore pro Nymphæ calamos tenuisse palustres ; Léandre, qui passait chaque soir l’ilellespont pour rejoindre Héro, sa maîtresse, et trouva une nuit la mort au milieu des flots ; Apollon qui écorche Marsyas, le divin inventeur de la flûte, coupable d’avoir défié Phébus et sa lyre ; Borée, enfin, qui enlève Orythie.

Les grands médaillons qui jouent dans la composition décorative le rôle de bas-reliefs de bronze verdâtre, sont peints avec une maestria sans égale. Mais que dire des ignudi qui, avec les putti, encadrent ces médaillons ? Ces adolescens assis au pied des pilastres simulés, ont de tout temps excité l’admiration. Moins

  1. Jérusalem délivrée, chant XVI.
  2. Ibid., chant XIV.