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topographiques sous-marines. Pour elle, en admettant que la perfection s’obtienne du premier coup, elle ne s’applique qu’à un espace infiniment petit, le point unique qu’a frappé le plomb de sonde sur le sol. Les eaux recouvrent et cachent partout le fond, l’œil est maintenant inutile. L’hydrographe est un aveugle, il n’agit qu’avec la sonde, c’est-à-dire au toucher. Point à point, péniblement, lentement, la carte se complète, car entre deux sondages, si rapprochés qu’ils soient, on n’est jamais assuré de rien. Dans des parages sillonnés depuis des siècles par les navires, à quelques milles des côtes, parfois même dans les ports, on découvre des roches dangereuses passées inaperçues en dépit de sondages, d’études dix fois reprises, par un personnel d’ingénieurs habiles, munis des instrumens les plus précis, des ressources complètes de la science moderne.

Connaître la profondeur en un point d’une nappe d’eau, est une opération en apparence des plus simples. On prend une ficelle, on y attache un corps pesant, morceau de plomb ou pierre, on jette à l’eau et on file la ficelle jusqu’au moment où elle cesse d’être entraînée. Alors on remonte et l’on mesure la longueur filée, égale à la profondeur cherchée.

Quand il s’agit de lacs peu profonds, ou du bord de la mer immédiatement contigu au rivage, il en est ainsi à quelques petites difficultés près : la corde mouillée, par exemple, se rétrécit, et l’évaluation de la profondeur risque d’être ainsi faussée ; mais il n’est pas besoin de beaucoup d’ingéniosité pour les surmonter.

Cependant, à mesure que la profondeur augmente, l’opération devient moins commode. Tout d’abord, pour des profondeurs de plusieurs centaines de mètres, la descente de la corde, et surtout sa remontée exigent un temps considérable. Inconvénient plus grave, on sent de moins en moins le choc contre le fond, et l’on finit même par ne plus le percevoir. Si la profondeur augmente encore et dépasse un millier de mètres, non seulement on ne perçoit plus aucun choc, mais on peut, du bâtiment, dévider autant de corde que l’on veut, elle ne cessera pas de se dérouler sur le treuil qui la supporte. Rien ne sert de rajouter des bouts les uns aux autres, ils continuent à descendre infiniment, comme si la mer n’avait pas de fond.

C’était là, du reste, l’opinion des anciens. Les savans, les poètes de l’antiquité et du moyen âge, étaient tous d’accord, et d’ailleurs le fait prêtait à la poésie, ce qui n’était point un désavantage. Des