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encore venu. La santé du Roy « d’Espagne a toujours esté si foible que les moindres accidens font craindre pour sa vie, quoique dans le fond ils ne soient pas dangereux. Son âge peut faire espérer que le malheur que l’on craint est encore fort éloigné, et c’en seroit un pour toute l’Europe qu’un pareil événement, qui rendroit la guerre plus vive qu’elle ne l’a jamais esté, chaque prétendant se trouvant armé et en estat de soutenir ses droits par la force. Vous sçavez tout ce que j’ai fait pour rendre le repos à l’Italie. Tous mes soins seroient inutiles, et les troupes estrangères y rentreroient bientost, lorsque l’on pourroit pénétrer les mesures anticipées que je prendrois avec le duc de Savoye, pour la conqueste du Milanois : aussi j’approuve fort la réponse verbale que vous lui avés faite sur ce sujet, et je vous donne avis d’éviter d’entrer avec luy dans aucun détail, luy marquant seulement que, si le cas de la mort du Roy d’Espagne arrivoit, il me trouvera disposé à tout ce qui peut contribuer à ses avantages particuliers[1]. »

Assurément la réponse de Louis XIV était mesurée autant que prudente. On peut la considérer comme un chef-d’œuvre de l’art diplomatique de ne rien refuser et de ne rien promettre. Cependant, à deux reprises différentes, Louis XIV assurait le duc de Savoie de l’intérêt qu’il prenait « à ses avantages particuliers. » Il y avait là un engagement moral que Victor-Amédée devait rappeler plus d’une fois à Louis XIV, jusqu’au jour où la violation formelle de cet engagement le rejeta définitivement dans le parti des ennemis de la France.


II

Peu après cet échange de dépêches, Tessé voyait enfin arriver le jour, depuis longtemps attendu par lui avec impatience, où il pouvait enfourcher un cheval pour partir. Sa mission extraordinaire, si longtemps prolongée, prenait fin à peu près en même temps que celle du comte de Govon que Victor-Amédée avait envoyé à Paris, en mission extraordinaire également, aussitôt la conclusion de la paix. Ils étaient remplacés, Tessé, par le comte de Briord, dont nous reparlerons tout à l’heure, Govon, par le marquis de Ferreiro, vieux diplomate qui avait déjà rempli à la Cour

  1. Papiers Tessé. Le Roi à Tessé, 28 déc. 1696.