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1875, le Japon fut officiellement conduit par ceux qu’un industriel japonais appelait un jour : des Étudians. Un samuraï de Tosa, Itagaki, — un des rares hommes politiques qui mette une sorte de coquetterie farouche à rester pauvre, — esprit un peu fumeux, que ses amis nous peignent comme également versé dans l’étude de Jean-Jacques et la lecture des philosophes chinois, employa sa fougue de méridional et son usage des soshis au triomphe de l’idée représentative. Il harcela les ministres, sollicita l’empereur, fatigua tous les chemins du Japon, et, à la tête d’un parti qui prit le nom de libéral, persuada les Etudians au pouvoir que l’établissement du parlementarisme constituerait un progrès notable sur la monarchie absolue. L’empereur, malgré ses répugnances, dut promettre une Constitution et donna dix ans à ses ministres pour la rédiger, à son peuple pour la mériter. Durant ces dix années, le parlementarisme futur gagna ses éperons dans les assemblées incohérentes des Conseils généraux. Mais son histoire, ses séances orageuses, sa corruption, sa lutte irraisonnée contre le ministère, quel qu’il soit, sa médiocrité bruyante ne sont guère jusqu’à présent qu’une pantomime singée de l’Europe. Que les députés s’évertuent à obtenir un cabinet responsable pour le jeter plus souvent par terre, c’est une idée naturelle et qui les dispenserait à la rigueur d’en avoir d’autres, s’ils n’y étaient même condamnés par ce seul fait qu’ils représentent un peuple dont les sentimens et les opinions n’ont pas encore besoin d’être représentés. Mais l’heure viendra où l’organe aura créé la fonction ! Il s’opère en cette foule, sous la triple influence des anciennes habitudes, des idées étrangères et des conditions économiques, un travail dont on peut déjà soupçonner l’importance.

La restauration impériale, qui a bien moins restauré qu’innové, n’a pu rompre les lois fatales de l’esprit japonais. L’anéantissement des samuraïs, en tant qu’ordre social, n’empêche pas ceux qui ont pris leur place, c’est-à-dire tout le monde, de continuer leurs vieux erremens. Le samuraï, entretenu par son prince en échange d’un service commode et qui ne lui demandait aucune initiative, débarrassé des préoccupations matérielles, uniquement soucieux de son avancement, était devenu, en ces siècles de paix, le type même du fonctionnaire. Le Prince a fait place à l’Etat : on réclame de l’Etat ce qu’on attendait du Prince. Les Japonais veulent tous être fonctionnaires. Mais, pas plus aujourd’hui que