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contemporains de Peiresc, elle semble plutôt une exploitation rurale qu’un château. Près d’une longue terrasse, un pont dissimulé sous sa parure de lierre enjambe le Gapeau qui borde le jardin. La gracieuse rivière, assez près de sa source en cet endroit, épand entre des roches moussues ses eaux rapides et claires, grossies çà et là par les ruisseaux qui descendent des sommets voisins. Des érables, de grands saules, des frênes et des chênes se pressent sur ses bords et joignent de l’une à l’autre rive leurs cimes qu’escaladent des lianes de chèvrefeuilles ou de clématites, dont le fouillis impénétrable dérobe, en certains endroits, la vue du petit cours d’eau. La vallée déjà assez étroite est parsemée des plantes les plus variées, dont le parfum très vif se mêle au printemps à celui des arbres en fleurs, des cerisiers surtout, qui abondent dans la contrée. Tout respire la gaieté, la paix, la fécondité, et les montagnes aux profils austères ajoutent leur beauté grandiose au charme de l’aimable retraite qu’elles abritent de toutes parts. Sur leurs flancs, une flore très riche offrait à Peiresc les plus intéressantes herborisations, et les découvertes fréquentes de monumens ou d’objets anciens faites dans les environs lui fournissaient aussi l’occasion de contenter sa passion toujours plus vive pour l’archéologie.

C’est ainsi que s’écoulait sa studieuse existence quand du Vair, nommé en 1616 chancelier de France, l’attira de nouveau à Paris, où il demeura près de sept années. Sans parler de quelques amis anciens qu’il y retrouvait, Malherbe notamment, Peiresc entrait successivement en relations avec des érudits tels que N. Le Fèvre, Jacques Bongars, les frères Sainte-Marthe, Nicolas Rigault, Saumaise, les de Thou et surtout les frères du Puy, pour lesquels il conçut et montra jusqu’à sa mort la plus tendre amitié. Dans ce cercle d’esprits distingués, il tenait dignement sa place et pouvait à son gré satisfaire toutes ses nobles curiosités. C’est en 1621 qu’il avait personnellement connu Rubens, avec lequel Rockox et Gevaert, le greffier d’Anvers, l’avaient depuis quelque temps déjà mis en relations. Une étroite intimité s’était aussitôt établie entre eux, fondée sur la similitude des goûts et sur une courtoisie pareille, et nous avons montré ici même ce qu’était leur mutuel attachement, en citant de nombreux extraits des lettres si affectueuses et si vivantes qu’ils échangeaient entre eux[1].

  1. La première de ces lettres est datée du 27 octobre 1621. Voyez la Revue du 1er mai 1897.