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m’assiste après m’avoir si rudement visité… Je suis encore si étourdi que je ne sais ce que j’écris, ni comme j’écris. »

Et peu de temps après, revenant sur cette perte : « Je me suis tellement laissé aller à ma douleur ces jours passés, écrit-il à des amis affligés comme lui, qu’il ne me semble plus bienséant d’entreprendre de consoler les autres, puisque je l’ai si mal su pratiquer sur moi-même. » Désireux de laisser un témoignage durable de sa reconnaissance envers celui qu’il considéra toujours comme son bienfaiteur, il donna tous ses soins à une publication des œuvres de du Vair éditée avec luxe et dont il distribua à ses frais un très grand nombre d’exemplaires autour de lui.

D’une constitution très délicate, Peiresc vécut toujours avec la plus grande sobriété. La gravure de Mellan nous montre la maigreur de son visage ; mais ses biographes s’accordent pour vanter la douceur de sa physionomie et la vivacité du regard de ses yeux bleus. Très simple dans sa mise, il aimait la plus méticuleuse propreté. En dépit de l’extrême régularité de son régime, sa santé était souvent fort éprouvée, et, par conscience, il s’était cru obligé de se démettre de ses fonctions de conseiller ; mais sur les instances de ses collègues, il les avait reprises. Pendant la peste de 1628, il s’était retiré à Belgentier, où il demeura près de trois ans, sujet à des accès de maladie de plus en plus fréquens qu’il supportait avec une patience et un courage admirables. Il conserva, tant qu’il le put, son activité ; au milieu des souffrances les plus cruelles, il restait affable, plus occupé des autres que de lui-même. Sa sérénité en face de la mort ne se démentit pas un instant ; elle devait se manifester par des traits touchans où se peint toute la bonté de sa nature. L’avant-veille de cette mort, le 22 juin 1637, il avait, devant ses serviteurs et quelques amis, dicté son testament officiel, une pièce longue et remplie de dispositions généreusement prises en faveur de tous ceux qui lui étaient chers. Fatigué de l’effort qu’avait nécessité la rédaction de cet acte, il n’eut même pas la force de le signer, et cependant le lendemain, se sentant encore un devoir d’amitié à remplir, il avait l’énergie de dicter à son secrétaire un dernier billet adressé à son frère et dans lequel il le priait instamment d’obtenir, s’il le pouvait, du cardinal Barberini, le prieuré de Saint-Léon, que depuis longtemps il sollicitait pour son ami, M. Du Puy de Saint-Sauveur. « Puisqu’il plaît à Dieu de me rappeler, dit-il à son cher Valavès, et que nous n’avons jamais eu, vous et moi, qu’une même volonté,