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de la rose qui lui avait été adressée, lui procura un tel plaisir « que la gentillesse des conceptions acheva de lui dégourdir l’esprit, » si bien qu’en l’entendant, il avait retrouvé l’usage de la parole.


V

Avec sa vive intelligence, sa curiosité et son savoir, la modestie et la bonté de Peiresc demeurent les traits les plus saillans de son caractère. Dans sa vie si active et tout entière consacrée à l’étude, il pouvait se rendre cette justice qu’il n’y avait jamais eu place ni pour l’amour-propre, ni pour l’intérêt personnel. Il n’a presque rien publié de lui-même et n’a tiré aucun profit de ses nombreuses entreprises, toutes dirigées en vue du bien public. Son temps, ses relations, sa fortune, sont au service de tous. Pouvant aspirer aux plus hauts emplois, il garde jusqu’au bout ses goûts de simplicité. Il aime la retraite, l’obscurité, et croit qu’une existence absorbée par l’étude n’est pas compatible avec une situation trop en vue. « La douceur d’une vie dans les lettres, écrit-il un an avant sa mort, est bien autrement friande quand on veut examiner ce qu’il y a de mal aux autres façons de vie, car le plus ou moins de moyens ne sont pas capables de nous contenter si nous ne nous savons arrêter à ce qui nous peut suffire, tout le reste n’étant que pour plus de tourment et d’inquiétude quand il faut avoir plus de valets. » Pour lui, ses serviteurs ne le gênaient pas. Ils étaient vraiment de sa famille et, dans ses affections, il montrait la même indépendance que dans ses goûts. Regardant plus à la valeur morale des gens qu’à leur habit, il traite avec égards tous ceux qu’il estime, les plus grands personnages aussi bien que son petit relieur Corberan, ou ses jardiniers et ses domestiques dont peu à peu il avait fait des collaborateurs, en leur dictant ses lettres, en les associant à ses observations astronomiques et à ses recherches de toute sorte. Aussi avaient-ils pour lui l’attachement et le dévouement le plus profonds. Il aimait à converser avec eux, bien plus qu’avec les mondains, les oisifs et les pédans, et il croyait qu’on peut trouver autant d’agrément que de profit aux entretiens de certains artisans, ouvriers des villes ou des champs, quand ils aiment et connaissent leur profession.

A vrai dire, il ne s’occupait de lui-même qu’autant que sa santé délicate l’y forçait. Condamné à un régime très sévère, obligé