Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 158.djvu/515

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à un descendant ou à un élève du grand Frédéric, à un « prince philosophe, » quoique officiellement luthérien, la Révolution ferait la plus avantageuse des fins, qu’il en résulterait satisfaction pour tout le monde : pour le personnel gouvernant, impunité, sécurité, jouissance ; pour le peuple, qu’on n’était point parvenu à détacher de toute idée religieuse, un minimum de christianisme. Ces destructeurs étaient aujourd’hui tourmentés d’un besoin de recréer, de reconstruire ; seulement, comme ils étaient pour la plupart renégats ou régicides, comme ils ne pouvaient admettre le retour aux traditions fondamentales, comme ils ne voulaient ni du roi ni du catholicisme, ils rêvaient d’une religion à côté et d’une pseudo-monarchie.

Dans les milieux jacobins et violemment patriotes, Siéyès était fort accusé d’avoir préparé, pendant son séjour à Berlin, une combinaison prussienne ou du moins allemande ; certains aveux permettent de supposer qu’il y pensa. Durant son passage au Directoire, il chercha plutôt ailleurs l’objet de ses vœux, le roi des révolutionnaires à opposer finalement au roi des émigrés. D’après le témoignage d’un homme bien placé pour savoir[1], il accepta d’entrer en rapports avec les agens du jeune duc d’Orléans. Talleyrand, dont la main se retrouve dans toutes les intrigues, servait d’intermédiaire. Peut-on dire qu’il y ait en partie liée avec la branche cadette, accord établi ? Il y avait tout au moins de ce côté inclination secrète et tendance. L’opération que le retour d’Egypte ferait dévier brusquement au profit de Bonaparte, Siéyès et ses affidés la concevaient comme une entreprise à point de départ républicain et à conclusion orléaniste.


ALBERT VANDAL.

  1. Cambacérès.