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drame classique de Giotto, la tragédie chrétienne représentée par des personnages groupés dans des attitudes sévères et drapés comme des acteurs antiques. Ici nous voyons la vie de saint Martin racontée en anecdotes et jouée par de beaux jeunes gens coquettement vêtus : le dessin est fin, le modelé doux, la couleur satinée. Celui qui a caressé les teintes frêles de ces grandes miniatures et qui en a guilloché les ors est le contemporain, le rival, et à peu près le contraire de Giotto, Simone Martini de Sienne. Or, voici reparaître, au nombre des saints groupés par le maître siennois sous l’arcade qui traverse l’épaisse muraille de la basilique ancienne, les deux saints Louis, clairement désignés par une double inscription : S. Lodovicus rex ; S. Ludovicus episcopus. Le roi porte un manteau d’écarlate agrafé sur l’épaule droite ; il tient le globe et le sceptre. L’évêque est simplement vêtu en moine, la tête et les pieds nus. Tout le champ sur lequel les deux saints se détachent est d’azur semé de fleurs de lys, et le peintre n’a pas oublié de tracer au-dessus de saint Louis d’Anjou le lambel de sa Maison.

Si notre curiosité est éveillée par la surprise de ces noms français et de ces lys royaux retrouvés à Florence et à Assise, dans les sanctuaires de l’art italien le plus pur, il nous suffira d’une promenade à travers la peinture toscane du XIVe siècle pour rencontrer à chaque pas de nouveaux saints Louis tout fleurdelysés. On en découvrirait sans peine à Santa-Croce, hors de la chapelle des Bardi, si l’on examinait de près les fresques effacées ou médiocres ; en passant de l’église dans la sacristie, on verra saint Louis de Toulouse rangé parmi les élus, dans le tableau du couronnement de la Vierge, signé par « maître Giotto, » ou debout à côté du crucifix sur une fresque qui est attribuée à Nicola di Pietro Gerini. Dans le réfectoire du monastère, on distinguera, au nombre des scènes pieuses qui entourent une croix ramifiée en arbre généalogique des franciscains, saint Louis de Toulouse, vêtu en moine, et portant une mitre blanche, qui est occupé à servir des pauvres : l’œuvre est d’un bon disciple de Giotto. Simone Martini, lui aussi, a peint une seconde fois, dans l’église même d’Assise, le saint évêque vu à mi-corps, entre saint François et sainte Elisabeth, visages candides et ravis, dont la fleur nacrée semble se fondre dans la lumière de la béatitude. Toujours dans la basilique où saint François repose, une chapelle qui fait face à celle de saint Martin conserve un vitrail de dessin siennois, où les