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que l’on appelait les Spirituels finirent par en appeler du pape à Jésus-Christ, par donner leur appui contre le pontife d’Avignon à un empereur d’Allemagne, et par attirer sur eux l’anathème. La révolte d’une partie des franciscains contre l’esprit séculier de l’Eglise précisa, pour l’Ordre tout entier, la valeur des règles léguées à son peuple par le Pauvre d’Assise, et dégagea l’essence de la a religion » franciscaine, qui était la rupture avec toutes les puissances, toutes les joies, tous les biens de la terre. Or, ce renoncement total n’était-il pas le but qu’avait poursuivi jusqu’au jour de sa mort le fils du roi de Sicile ? Déjà, à Barcelone, il ne quittait les religieux que pour vivre parmi les mendians et les lépreux. Un jeudi saint, dit le Livre des Conformités, il vint parmi les autres misérables un lépreux de très haute stature et très horrible dans son infirmité. « Le lendemain, en mémoire de la Passion du Christ, qui apparut lépreux en croix, » le prince voulut revoir cet objet d’horreur. Mais on ne put le retrouver dans toute la ville et les lépreux interrogés répondirent qu’ils ne l’avaient jamais connu. « C’est pourquoi la piété conseille de croire que c’était le Seigneur Jésus-Christ lui-même ou l’un de ses anges, qui s’était montré sous la forme du très horrible lépreux. » « Louis était, — pour citer encore Bartolomeo de Pise, — un esprit plein de douceur, de suavité, d’humilité et d’une simplicité de colombe, columbina simplicitate. » Il voulut devenir « fils du bienheureux François, le pauvre crucifié, » parce qu’il recherchait « l’Ordre le plus dénué de tous, celui qui ne donne rien à ses frères, ni en particulier ni en commun. » Quand il fut évêque, les trois quarts de la rente que lui servait son père, il les distribuait de ses mains aux indigens. Chaque jour, même à Paris, quand il vint saluer ses parens de la cour de France, il nourrissait vingt-cinq pauvres, qu’il servait à genoux. Toutes les marques de respect que les courtisans voulaient lui rendre, il les repoussait doucement ; les courtines armoriées qu’il trouvait à son lit dans les villes où il passait, il les faisait enlever. A Toulouse, sa couche et les meubles de sa chambre étaient, comme lui-même, vêtus de bure brune. Certes les franciscains d’Italie, les simples aussi bien que les révoltés, pouvaient mettre à la tête des princes de leurs cohortes, ce prince, fils du seul roi portant couronne en Italie, qui s’était fiancé lui aussi à leur Dame et Reine, la sainte Pauvreté.

On comprend maintenant que la Toscane ait adopté saint Louis de Toulouse, puisqu’elle se souvenait de son passage, qu’elle