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son tombeau, couché dans la tunique de bure, la corde aux reins, et les pieds nus. Après la mort du pieux monarque, Sancia put enfin recevoir le voile dans le monastère napolitain de Santa-Croce, où elle prit le nom de sœur Claire. Elle y mourut en odeur de sainteté et son corps fut transporté dans l’église de Santa-Chiara, où s’élevait le mausolée de son époux ; plus tard, un de ses familiers demanda d’être enseveli au pied du modeste monument de la reine, comme pour mettre sa dépouille mortelle sous la protection d’une relique, et il fit graver sur sa pierre tombale : « Ci-gît le secrétaire de Sancia la Sainte : » Segretarius Sancie Sancte.

On peut discuter en bonne politique l’attitude du roi Robert et des siens dans les affaires de l’Italie et de l’Eglise ; il serait même facile de tourner en ridicule ce monarque, moitié clerc et moitié cordelier. Robert eut l’ambition d’être le Louis IX de l’Italie, et, sans doute, il fut seulement la contrefaçon pédantesque du saint roi, son grand-oncle. Mais sa sainteté de docteur, laborieuse et sans grâce, a marqué au moins le terme de l’effort tenté par la dynastie d’Anjou pour établir en Italie son caractère religieux et comme sa personnalité historique, en opposition avec la figure inoubliable de Frédéric II. Robert le Pieux, en prétendant répandre autour de lui autant d’édification que les Hohenstaufen avaient semé de scandale, mérite l’attention que doit au champion obstiné, sinon au digne représentant d’une idée puissante, l’histoire amie des contrastes et seulement dédaigneuse des indécis et des neutres.

Si maintenant nous voulions résumer plastiquement, pour ainsi dire, le double idéal vers lequel la maison d’Anjou tendit jusqu’à la mort du roi Robert, je veux dire la sainteté royale et la sainteté franciscaine, ne serons-nous pas tentés de le fixer nous-mêmes dans les figures des deux saints Louis, le roi et le moine ? On ne pourra donc s’étonner que Robert ait cherché tous les moyens de glorifier son frère, seul ou conjointement avec le roi de France dont Louis d’Anjou avait reçu à son baptême le nom déjà vénéré. Un monastère de franciscains au titre de Saint-Louis fut bâti à Aversa ; il y eut des chapelles Saint-Louis dans la cathédrale de Naples et dans celle de Bari, ainsi que dans l’église napolitaine de San-Lorenzo, où le fils de Charles II avait reçu les ordres.

Quand, deux ans après la canonisation de saint Louis de Toulouse, on ouvrit son tombeau dans le couvent des frères mineurs