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qui orne la chapelle de l’humaniste Pontano, cet oratoire funéraire, tout couvert au dehors et au dedans d’inscriptions érudites, où rien ne parle que de gloire humaine et de vertus païennes. Il existe à Teggiano, une ville oubliée qui fut puissante et florissante sous les comtes de Sanseverino, une grande fresque de 1471, dans le réfectoire d’un ancien couvent franciscain. On y distingue dans un groupe saint Louis de Toulouse et, ce qui est plus rare, saint Élzéar de Sabran, comte d’Ariano en Pouille. Sans aller si loin vers le sud encore sauvage, et sans quitter seulement le musée de Naples, on retrouvera sur des tableaux de la fin du XVe siècle l’image de saint Louis de Toulouse et même le souvenir de son frère, le roi Robert. Le saint apparaît parmi les figures d’un grand polyptyque dont les pièces sont éparses dans une petite salle du musée : le peintre lui a donné l’air attristé, le visage osseux et. le teint gris des saints de l’école de Bruges : devant les pieds nus, étrangement difformes, du franciscain vêtu en évêque, il a disposé, parmi des fleurettes, une couronne dont il a détaillé les gemmes avec toute la minutie d’un flamand. Dans une autre salle, voici les deux volets d’un tableau perdu, une Nativité sans doute, avec les portraits de deux rois mages. Ils sont vêtus d’étoffes brochées à grandes fleurs, et portent des hanaps merveilleux ; derrière eux, on voit fumer un Vésuve au milieu de sommets fantastiques. L’un de ces rois a la barbe grise, l’autre est tout jeune. On lit sous le premier : Robertus, rex Sicilie ; sous le second : Karolus, dux Calabrie. La cour d’Aragon, enivrée de souvenirs classiques, avait oublié, sans doute, le roi scolastique, qui pourtant délaissa à la fin de sa vie saint Thomas pour Pétrarque ; mais la tradition napolitaine conservait la mémoire de Robert comme celle d’un monarque de légende, opulent et savant à l’égal des rois d’Orient.

En Toscane, les saints de la maison d’Anjou, retranchés dans les églises franciscaines, y restèrent populaires longtemps après l’expulsion du duc d’Athènes. Un peintre choisit saint Louis de Toulouse à la fin du XIVe siècle, comme le type idéal de l’évêque. On voit, sur une prédelle de Jacopo da Casentino conservée au Musée des Offices, le saint, à genoux dans sa chape fleurdelysée, devant saint Pierre vêtu en pape, qui de la main droite lui remet les clefs, symbole de la puissance ecclésiastique, tandis que de la gauche il tend au diacre saint Etienne le livre, symbole de la doctrine. Fra Angelico, ce dominicain qui a peint dans la grande