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et le tableau véronais. Benozzo Gozzoli est le seul peintre toscan qui ait été appelé à peindre le roi Robert en plein XVe siècle, et les représentations de saint Elzéar sont aussi rares dans l’art italien que dans l’art français. Si même on s’attache aux images de saint Louis roi dans la peinture italienne du XVe siècle, on aura vite fait de les compter. Dans la sculpture, je ne vois guère à citer qu’une terre cuite émaillée de l’atelier d’Andréa della Robbia, dans l’église San-Girolamo, à Volterra : on y voit saint François, debout sur le globe du monde, présentant la règle du tiers-ordre au roi saint Louis et à la princesse sainte Elisabeth, vêtus, l’un en franciscain, l’autre en clarisse. Cette composition saisissante renferme l’expression la plus hardie que l’on ait jamais trouvée de la légende franciscaine qui s’était formée à Naples au sujet de saint Louis ; elle prouve qu’au XVe siècle, la tradition, dont nous avons reconnu l’origine italienne, n’avait en Italie rien perdu de sa force.

Mais ce n’est pas le roi saint Louis qui perpétuait à travers l’art du XVe siècle le souvenir confus de la maison d’Anjou. Lorsqu’on le rencontre à longs intervalles, on a peine à reconnaître le roi, dont Giotto avait donné un portrait si fidèle, dans ce personnage barbu comme un empereur de Constantinople.

Au contraire, saint Louis de Toulouse garde intacts jusqu’à la fin du « Quattrocento » sa jeunesse, son doux visage arrondi, sa chape couverte ou bordée de fleurs de lys. Tous les peintres le voyaient encore comme il était apparu à Marseille au sénéchal de Provence : « vêtu pontificalement, avec la mitre et la crosse, faisant le signe de la croix, comme il avait coutume pour bénir le peuple. » Les artistes ne modifiaient rien à ce double caractère de prince angevin et de saint franciscain que Simone Martini avait fixé pour deux siècles, en peignant le tableau commandé par le roi Robert : sous la chape armoriée, ils revêtaient le saint de la robe de bure, et, à côté de ses pieds nus, ils mettaient la couronne qu’il avait dédaignée. Souvent même on eut soin de faire passer le capuchon de bure par-dessus la chape magnifique, pour signifier qu’en saint Louis, l’évêque était subordonné au moine. Ainsi le jeune saint français a été représenté par les maîtres les plus illustres, comme par les plus obscurs. Ghirlandajo lui a donné place dans le solennel Couronnement de la Vierge conservé à Narni ; le Spagna, dans le tableau de même sujet qui orne la cathédrale de Trevi. Filippo Lippi l’a peint à Città di Castello, Piero