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et ils se sont déterminés à chercher autre chose. On se rappelle ce qui est arrivé jadis à l’occasion de ce fameux article 7 de la loi universitaire présentée par M. Jules Ferry, qui interdisait d’enseigner aux membres des congrégations religieuses non autorisées. L’article ayant finalement été rejeté, on a voulu, par voie de décrets, frapper les congrégations elles-mêmes et les disperser. On revient aujourd’hui aux mêmes procédés ; on ressuscite une politique qui n’a même pas le mérite d’avoir réussi ; seulement, au lieu de recourir tout de suite à des décrets d’exécution, c’est d’abord par la loi qu’on se propose d’opérer. La loi projetée n’a d’autre objet que de dissoudre les congrégations religieuses, sous prétexte qu’elles reposent sur des principes contraires à la bonne morale et à l’ordre public. Si ce n’est pas ce que dit expressément M. le président du Conseil, c’est ce qu’il fait entendre dans l’article 2 de son projet, article dont voici le texte : « Toute association fondée sur une cause ou en vue d’un objet illicite, contraire aux lois, à la constitution, à l’ordre public, aux bonnes mœurs, ou emportant renonciation aux droits qui ne sont pas dans le commerce, est nulle et de nul effet. » L’expression bizarre de « droits qui ne sont pas dans le commerce » vise certainement les congrégations religieuses. L’exposé des motifs ne laisse à cet égard aucun doute : il explique, et cela avait peut-être besoin d’explication, qu’il s’agit des droits de l’individu, des facultés naturelles de tous les citoyens, droits et facultés auxquels il est interdit de renoncer par un engagement perpétuel, comme l’est par exemple le vœu de célibat, de pauvreté et d’obéissance. Il est sûr que les droits auxquels renoncent par suite de ces vœux les membres des congrégations religieuses ne sont pas dans le commerce ; mais on ne comprend pas très bien que cette raison suffise pour qu’il soit défendu d’y renoncer. Le projet de loi n’a peut-être voulu faire qu’une définition, et nous ne le chicanerons pas sur les termes sibyllins qu’il a employés. Il a préféré désigner les congrégations religieuses par une périphrase qui sent le grimoire, au lieu de les appeler par leur nom. Peu importe ; ce sont bien elles, et elles seules, qu’il a entendu frapper.

Elles sont nulles, dit-il, à moins qu’elles n’aient été formellement autorisées. Sans doute : personne n’a jamais dit qu’elles ne fussent pas nulles aux yeux de la loi, tout aussi bien que les vœux sur lesquels elles reposent. Les membres de ces congrégations ne prétendent à aucun des avantages qu’obtiennent les associations autorisées, et elles prétendent encore moins, comme sous l’ancien régime, être protégées par le bras séculier contre ceux de leurs membres qui voudraient, à un moment