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Dans le Nord, un soulèvement général de la Belgique était à craindre. En s’emparant de ce pays et en le meurtrissant cruellement dans ses convictions catholiques, la France révolutionnaire n’avait fait qu’attacher à son flanc un brasier de haines. Les départemens réunis s’étaient insurgés au début de l’an VII et n’avaient été que difficilement réprimés ; depuis lors, le feu mal éteint couvait. La guerre de partisans continuait ; la Belgique catholique avait ses gueux, comme la Hollande protestante avait eu autrefois les siens. Les paysans refusaient ouvertement d’acquitter l’impôt, de se soumettre aux lois ; d’après un rapport, les émissaires de l’étranger et les prêtres « se répandent dans tous les cantons pour organiser la révolte, se saisissent des conscrits fuyards, réunissent les plus décidés, les transforment en brigands, en chauffeurs, et les portent sur des villages isolés ; ils y coupent les arbres de la liberté, désarment, maltraitent ou assassinent les gardes champêtres, les gendarmes, les militaires, les commissaires du Directoire et les acquéreurs de biens nationaux. » Un général commandant en Belgique écrit : « L’insurrection est dans tous les esprits. »

Au lieu d’une Vendée, la république se sentait sur le point d’en avoir trois à combattre : celle du Nord, celle du Midi, celle de l’Ouest. Le pis était que, pour renforcer nos armées d’Allemagne et d’Italie, il avait fallu dégarnir l’intérieur. Les soldats manquaient pour prêter main-forte à la gendarmerie aux abois, aux colonnes mobiles, aux gardes nationales sédentaires, dont la fidélité et le bon vouloir laissaient à désirer. Lyon n’avait comme garnison que dix-huit cents hommes, dans un dénûment extrême ; la pénurie d’armes était telle que les soldats, pour monter la garde, pour faire le service, devaient se repasser les uns aux autres cinq à six cents mauvais fusils, restés en magasin. Bordeaux n’était défendu que par un bataillon de chasseurs basques. Pour faire illusion sur les forces de la république, Bernadotte en était réduit aux expédiens, aux subterfuges ; dans les pays troublés, il faisait préparer avec ostentation des cantonnemens pour des troupes dont il annonçait la venue et qui ne devaient jamais arriver. En troupes de ligne, la France ne contenait plus que 46 235 hommes, dont Paris à lui seul occupait 7 900, surmenés par un service écrasant et par de continuelles alertes, et l’Ouest 24 000.

Cependant l’Ouest demeurait en retard. Dans la région vendéenne,