Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 158.djvu/796

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’un pays neuf. Cette théorie, très en faveur aujourd’hui, est en général vérifiée par l’expérience, mais elle cesse de donner une idée exacte de la réalité, si on l’applique à des pays, comme la Nouvelle-Calédonie, placés dans des conditions économiques toutes particulières. L’on pourrait faire observer d’abord, en invoquant l’exemple de l’Australie, qu’après la période agitée de l’agiotage viennent les temps plus calmes de l’exploitation régulière, et que bien des aventuriers, d’abord attirés par l’appât d’une fortune subite, finissent par se fixer au sol et par chercher dans la culture un moyen plus modeste, mais plus sûr, de s’enrichir. L’administration française de la Nouvelle-Calédonie, d’accord avec la société « Le Nickel, » cherche en ce moment à attirer, pour le travail des mines, des ouvriers européens, auxquels des terres seraient concédées et qui, assurés d’un salaire quotidien, en échange d’un travail facile, sous un climat très sain, deviendraient peu à peu des colons propriétaires ; c’est là une tentative susceptible de donner de bons résultats, si l’on parvient à bien recruter ces colons-mineurs. Il faut en outre répéter ce que nous indiquions déjà tout à l’heure : les conditions de la vie économique de la Nouvelle-Calédonie sont telles qu’elle ne peut guère prospérer qu’en produisant des « spécialités. » Le nickel remplit très avantageusement ces conditions : quoi qu’on fasse, la prospérité de la Calédonie est en grande partie liée à la fortune du nickel[1].


IV

Le rêve de créer, aux antipodes de l’Europe, une petite France nouvelle, peuplée, comme la grande, de paysans propriétaires, vivant du produit de leurs champs, de leurs prairies, de leurs vignes et récoltant en outre les fruits indigènes, a pris corps en ces dernières années et s’est traduit par un intéressant et fécond effort. Dès sa constitution en 1893, l’Union coloniale[2] s’occupa de la Nouvelle-Calédonie et chercha à recruter des émigrans dis- posés à tenter fortune là-bas. Sans doute, beaucoup de Français étaient déjà établis dans l’île ; mais il s’agissait cette fois d’une

  1. Sur tout ce qui concerne les mines voyez, outre le livre déjà cité de M. Bernard : Les mines de la Nouvelle-Calédonie, par Louis Pelatan. Publication du journal le Génie civil, 1892.
  2. Voyez, parmi les publications de l’Union coloniale, le Guide de l’émigrant en Nouvelle-Calédonie (1897).