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des marques nouvelles qu’on lui offre et qui refuserait peut-être de payer les produits calédoniens au prix des cafés de luxe. Ni la bourse des planteurs, ni la réputation de leurs récoltes n’y ont perdu, au contraire. Les prix auraient donc été, tout compte fait, assez rémunérateurs pour payer les colons de leurs peines et stimuler leur ardeur, n’était la baisse générale qui a, depuis deux ans, diminué de moitié la valeur marchande des cafés.

En résumé, s’il nous semble prématuré d’annoncer que la colonie est entrée « en pleine période de vaches grasses[1], » il n’en faut pas conclure à l’insuccès de la colonisation agricole. La mise en valeur méthodique de la terre, un choix, raisonné et fondé sur l’expérience des cultures et des emplacemens, l’amélioration des voies de communication et du régime du crédit peuvent, joints à l’exploitation des mines, permettre à la Nouvelle-Calédonie un développement autonome très satisfaisant, mais que les. dimensions restreintes de l’île et les conditions de sa vie économique empêcheront toujours de dépasser une certaine limite. Nombre de colons ont déjà réussi, non pas sans doute à faire fortune, mais à vivre ; progressivement d’autres pourront trouver des conditions plus favorables d’établissement ; ils accroîtront peu à peu la prospérité de l’île et l’importance de ses échanges avec la France.


V

L’isolement de la Nouvelle-Calédonie et la présence d’une population indigène encore nombreuse y rendent le problème capital de la main-d’œuvre particulièrement délicat[2]. Des deux catégories d’Européens qui pourraient travailler sous ce climat excellent, l’une, celle des transportés, n’a jamais fourni que de médiocres ouvriers, et d’ailleurs sa disparition progressive est décidée ; quant à celle des immigrés, il serait imprudent de trop compter sur elle. Il est rare qu’un Européen se décide à quitter sa patrie, y fût-il misérable, avec la perspective de ne devenir, sur la terre lointaine, qu’un simple salarié. La main-d’œuvre blanche sera donc toujours rare et toujours coûteuse. L’établissement

  1. Discours du gouverneur, 6 novembre 1899.
  2. Voyez, sur cette question, une conférence de M. Feillet, publiée dans la brochure de l’Union agricole calédonienne et intitulée Exposition locale 1899 (Imp. calédonienne).