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de presse. Tel, il y a peu de mois, M. Rochefort rédigeait, sous la protection du préfet de police, une préface pour quelque édition luxueuse des Fables de La Fontaine. Malgré son origine, cette dramaturgie nouvelle ne renferme d’ailleurs que peu d’allusions politiques, à ce point qu’on oublie presque constamment les opinions de l’auteur, qui va même jusqu’à témoigner quelque sympathie au christianisme, en tant que « manifestation de chaude humanité. »

Pour apprécier la portée que M. Steiger attribue à l’œuvre de Hauptmann, il faut tout d’abord savoir quelle importance il donne à la jeune école dramatique allemande, dont cette œuvre est la fleur. Afin de nous édifier sur ce point, notre critique croit devoir tracer une de ces divisions philosophiques de l’histoire, dont l’esprit allemand et surtout le parti socialiste ont le secret. Ainsi Lassalle distinguait jadis dans le passé de l’humanité trois époques, dont l’une embrassait les temps les plus reculés jusqu’en 1789, dont la seconde s’étendait de 1789 à 1848, année qui vit les débuts du tribun, et dont la troisième, encore en cours, devait sans doute se terminer, dans sa pensée, vers 1864, avec sa dictature et le triomphe de ses idées. M. Steiger ne met pas beaucoup plus de proportions dans ses classifications esthétiques. Qu’on en juge ! La vie artistique du monde, dit-il, a été successivement sous l’influence plastique, avec la Grèce de Phidias, pittoresque avec l’Italie de Raphaël, musicale avec l’Allemagne de Beethoven et de Wagner. Voici venir enfin l’âge dramatique du monde, qui sera international, car M. Steiger ne méconnaît pas les influences étrangères qui en ont préparé la naissance, mais dans lequel l’Allemagne, avec Hauptmann, paraît devoir se réserver encore une fois la part du lion. C’est faire preuve d’un patriotisme vraiment insatiable, quand on songe que M. Steiger a déjà conféré à sa race l’empire du troisième âge esthétique de l’humanité.

Ces espérances sans limite disent assez son enthousiasme pour les moindres détails de l’œuvre de son illustre compatriote. Chez Hauptmann, M. Steiger admire tout sans distinguer. On connaîtra son état d’esprit par un seul exemple. Rappelons tout d’abord que le héros des Ames solitaires, le Dr Jean Vockerat, termine ses jours, à la fin de la pièce, par un suicide dans les eaux du Mueggelsee. « À cette mort tragique, dit M. Steiger avec componction, nous sommes déjà préparés de la manière la plus heureuse par un incident rapide, sans importance apparente, au cours du