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nausée... Rempli des théories d’Arno Holz, sous l’aiguillon de son éloquence, Gerhart Hauptmann choisit aussitôt un sujet, tout particulièrement propre à une interprétation ultra-naturaliste... Toutefois, plein d’un respect timide pour l’intelligence artistique supérieure de l’énergique Arno Holz, il ne lui communiqua pas ce sujet, comme il le lui avait promis par lettre, mais se réfugia près des siens pour y travailler... Lorsque Avant le lever du soleil parut en librairie, dans l’été de 1889, l’auteur le fit précéder d’une dédicace datée d’Erkner, le 8 juillet. Il y remerciait les auteurs de Papa Hamlet pour l’impulsion décisive qu’il avait reçu par ce manifeste du « naturalisme conséquent, » il exprimait sa gratitude et sa « joyeuse reconnaissance » dans cette dédicace devenue célèbre. »

M. Bartels, en racontant les mêmes événemens avec sa modération et sa netteté ordinaires, ajoute : « Hauptmann n’a pris pour son premier drame que le procédé d’exposition des auteurs de Papa Hamlet ; mais il l’a fait passer directement dans son œuvre. »

Enfin, si nous prêtons l’oreille aux socialistes, nous verrons s’enfler démesurément la dette contractée par Hauptmann vis-à-vis de Holz.

M. Paul Ernst a écrit[1] : « Le drame moderne inspiré par Holz et Schlaf se distingue aussi essentiellement des productions dramatiques précédentes, de celles d’Ibsen par exemple, que le théâtre d’Ibsen diffère de celui de Schiller, et les pièces de Schiller des tragédies antiques... Hauptmann n’est devenu un initiateur que par le plus grand des hasards, et sans y avoir la moindre disposition. Si l’on ne pouvait établir, pièces en mains, en quelque sorte, les origines précises de la nouvelle technique, par les œuvres de Holz, Hauptmann semblerait le chef de toute une génération d’artistes, et, dans cent ans, il apparaîtrait comme un génie créateur, qui, en frappant le sol du pied, en a fait jaillir un art nouveau... Pourquoi Ibsen donne-t-il l’impression d’être aujourd’hui tellement dépassé ? Il lui manque la technique nouvelle, qui, à elle seule, élève un drame à un tout autre niveau que celui des chefs-d’œuvre du passé. Un morceau aussi niais que les Ames solitaires d’Hauptmann touche plus profondément que le meilleur des drames du Norvégien, si supérieur cependant

  1. Neue Zeit, t. XV, p. 41.