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encore, et il trouve avantage à choisir une manifestation plus simple de l’art d’Apelles et de Velasquez.

Le lecteur de M. Holz a déjà marché de surprises en surprises : parvenu à ce point de son étude esthétique, il en vient à se demander, avec nombre de critiques allemands, s’il est le jouet d’un ironiste éminent, et la victime d’une mauvaise plaisanterie. Non pas : jamais l’auteur n’a été plus sérieux, puisqu’il a consacré, peu après, un second volume[1], à défendre pied à pied, et avec un accent de sincérité qui ne trompe pas, sa méthode et ses résultats. Suivons-le donc en conservant de notre mieux une gravité imperturbable, et penchons-nous avec lui sur l’ardoise d’un écolier qui vient d’esquisser un griffonnage informe. Cette œuvre d’art toute primitive va le guider dans la recherche de la formule fondamentale de l’esthétique. Nous ne comprenons pas d’abord le sens de ces traits capricieux, et il faut interroger le jeune artiste sur ce qu’il a prétendu figurer. C’est, dit-il, un soldat. Oui, vraiment, avec quelque bonne volonté, nous reconnaissons maintenant un soldat dans cette maladroite ébauche. — Ici, Holz se dispose à appliquer avec soin les règles données par Mill pour la pratique du raisonnement inductif, et, de plus, nous allons le voir recourir aux équations, à l’instar de Marx. Le gribouillage de l’enfant n’est pas arrivé tout à fait à reproduire le soldat. Il est cependant ce soldat, diminué d’un certain nombre de propriétés : on peut donc écrire :

Gribouillis = soldat — une lacune (que nous nommerons X). Ou, ce qui revient au même, en songeant à l’axiome de Zola, précédemment cité :

Œuvre d’art = morceau de nature — lacune X.

Ou, plus simplement :

Art = nature — X.

Et pour traduire cette équation en langage ordinaire, l’art est la nature, avec quelque chose en moins, une lacune X. — Voilà qui est puéril, mais indiscutable : c’est dans la suite de son raisonnement que Holz nous paraît s’égarer. Cette lacune, qui sépare toute œuvre d’art de la nature, n’est pas, à ses yeux, la conséquence du tempérament, comme le veut Zola. — Car, dit-il, prenons une partie de cette lacune, qui existe entre le soldat réel et sa représentation : si, par exemple, on ne voit pas sur l’ardoise

  1. Die Kunst. Neue Folge, Berlin, 1892.