Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 158.djvu/88

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ce qu’on connaissait de la cour de Versailles au modeste foyer de Wissembourg se réduisait à peu de chose. Bien rarement un étranger de distinction, traversant l’Alsace et visitant Stanislas, y avait apporté l’écho discret des fêtes et des intrigues de la Régence. Le roi avait jadis, dans ses voyages de jeunesse, entrevu le rayonnement de gloire de Louis XIV, mais le monde nouveau qui l’avait remplacé lui était inconnu entièrement. Ce n’était que par les gazettes et les conversations de gens de province qu’il était informé des événemens de France et des hommes qui s’y remplaçaient au pouvoir. Une grande inquiétude lui était venue à la mort du Régent : le successeur lui conserverait-il le chétif appui qu’il recevait et contre lequel le roi régnant de Pologne avait protesté ?

Ce successeur, dont il ne savait rien encore, était M. le duc de Bourbon (M. le Duc), qui portait le titre de premier ministre. Il eut bientôt l’assurance que rien ne serait changé aux sentimens de la France en sa faveur. Mais sa surprise fut grande, quand le ministre lui fit savoir qu’ayant décidé de se marier, il songeait à demander la princesse Marie ! Rien jusqu’à présent n’avait permis à Stanislas d’aussi hautes espérances. Il vit aussitôt, si ce projet se réalisait, l’avenir de sa fille assuré de la façon la plus brillante qu’elle eût rêvée, personne ne pouvant prévoir les destins plus glorieux encore qui l’attendaient.


II

Qu’était alors cette cour de France où la princesse Marie semblait appelée à vivre, et quelles circonstances singulières lui en ouvraient le chemin ? Comment les événemens allaient-ils marcher assez vite pour remplacer l’alliance déjà inespérée du sang royal par celle du Roi lui-même ? Il faut dire tout cela brièvement, comme on raconte une partie d’histoire bien connue, en marquant les détails nécessaires pour faire comprendre celle qui suivra.

Il y a à Versailles un roi de quinze ans dont tous les goûts sont pour la chasse et qui est fiancé par politique, depuis 1721, à une gracieuse petite infante, vivant à la cour et attendant l’heure du mariage. Elle doit prendre patience longtemps encore, puisqu’elle n’a pas même sept ans, mais son union est assurée par les plus solennels engagemens et par sa présence au Louvre, au milieu d’honneurs presque royaux. Si la princesse espagnole et le jeune Louis XV sont un couple charmant, comme on le voit